À l’occasion de la Nuit du Droit 2024 jeudi 03 octobre, le Tribunal judiciaire de Mâcon et le CDAD 71, en partenariat avec le lycée Ozanam, organisaient une soirée ciné-débat sur le thème « Justice, médias et réseaux sociaux » au sein de l'établissement scolaire.
Plus de 100 personnes, élèves, parents, enseignants, et grand public ont répondu présent à cette initiative animée par différents professionnels et professionnelles du droit tels que des magistrats et des avocats.
La présidente du Tribunal judiciaire de Mâcon, Marion Goddier, était accompagnée de Anne-Lise Furstoss, procureure, de Magali Raynaud de Chalonge, bâtonnière de l’Ordre des avocats, de François Long, magistrat, de Vinciane Escot, avocate, et de Dominique Many, avocat également. Charlotte Granda, chargée de missions auprès des chefs de juridiction, veillait sur les aspects organisationnels de cette soirée qui se déroula en deux temps :
- Projection d’un épisode de « Justice en France » relatant l’audience de la Cour d’assises du Calvados jugeant sur un parricide ;
- Suivi des échanges avec la salle, sur l’influence que peuvent avoir les médias sur la Justice, l’impact des réseaux sociaux sur la perception par nos concitoyens des affaires en cours.
D'emblée, le film nous plonge au coeur de cette Cour d’Assises, avec un réalisme stupéfiant. Toute la chaine des interventions maintient un véritable suspens quant à la décision finale de la bonne mesure de la peine… Ce résumé de 50 minutes relatant les 3 jours d’audience nous entraine dans la découverte du fonctionnement ‘in live’ du système judiciaire. Mais aussi, le mérite de la vidéo, c’est de nourrir un questionnement insondable sur le monde judiciaire, sur la justice, sur l’autorité judiciaire et ses missions, sur l’état de droit, la démocratie enfin… Magistrale confrontation avec notre personnalité, notre sentiment, notre positionnement, notre sens de la vie en société.
L’ouverture des débats était toute empreinte de ce ‘choc’ personnel sur notre vision de la justice.
Madame la Présidente du tribunal circonscrit le débat sur le thème d’actualité ‘’justice, médias et réseaux sociaux’’ rappelant avec force « le rôle important de la presse et les responsabilités éditoriales des chroniqueurs qui souvent aujourd’hui sont les constructeurs d’opinion… Pour les réseaux sociaux, souvent réducteurs, il faut comprendre que dans le prononcé de la peine, tous les éléments sont pris en compte… »
Madame la Bâtonnière repris les mêmes chemins de prudence : « 3 jours d’audience résumés en 1 film de 50 minutes nous appelle au sens critique, à la nécessité de croiser les sources d’information, à la prudence éclairée pour appréhender, se former une opinion et la communiquer. »
Maître Dominique Many, très actif sur les réseaux sociaux (17 500 followers), parla d’expérience en utilisant la métaphore de la conduite automobile : « les réseaux sociaux, c’est un peu comme une voiture, il faut de l’expérience, il convient d’être accompagné, c’est une responsabilité, dans le respect des vitesses, le respect des autres… »
Madame la Procureure renforça ce message de prudence : « la justice avance, la loi pénale évolue, même pour un seul message de harcèlement l’on peut être poursuivi, faites attention au climat de ‘meute’, ne relayez pas sans réfléchir, ne relayez pas n’importe quoi, prenez garde aux ‘attaques de doxing’ (publication des coordonnées, des données…). J’en appelle à votre sens critique… » Ces mises en garde décortiquées avec une chaleureuse humanité, étaient appuyées par les interventions du Juge François Long, qui illustrait par sa pratique, la réalité judiciaire de la vraie vie. C’est l’ambiguïté que souleva Maître Vinciane Escot : « le numérique, les réseaux, ce n’est pas un monde virtuel immatériel, c’est la vraie vie, oui pour de vrai, car derrière ces relations numériques, il y a des hommes, avec leurs qualités, leurs défauts, des criminels qui ne vous lâchent jamais... »
L’essentiel était donc dit : restez prudents et responsables ! Le débat s’orienta sur la distance, le fossé immense qui sépare l’institution judiciaire si méconnue, des citoyens. Le rôle du juge fut réaffirmé dans son humanité essentielle, représentée comme le dit en souriant Anne Lise Furstoss : « Par la déesse Thémis qui, les yeux bandés, tient d’une main la balance et de l’autre brandit le glaive. C’est l’impartialité, car la justice, les yeux bandés, ne voit pas les accusés. Elle peut ainsi décider en toute objectivité. La balance, l’instrument de la pesée des âmes et des actes, représente l’équité. Lors de la pesée symbolique des décisions de justice, la balance représente également l’équilibre, la prudence et l’harmonie. Le glaive symbolise l’aspect répressif. Il rappelle que le rôle de l’institution judiciaire est également de sanctionner et que la Justice n’est rien sans la force qui permet de la faire appliquer. »
Jean-Yves Beaudot