Parti en Namibie au printemps pour une mission de protection de la faune sauvage avec Wildlife angel, au plus près des animaux pendant deux semaines, Laurent, Crêchois et aventurier de métier, livre pour macon-infos un retour de mission. Un engagement unique et exceptionnel qu'il détaille dans un entretien exclusif.
Laurent, pourquoi ces animaux sont-ils braconnés ? Que rapportent-ils aux braconniers ?
Le braconnage rapporte hélas très gros. Un exemple très parlant : les rhinocéros. Leurs cornes en kératine rapportent 60 000 dollars US le kilo. Je vous laisse imaginer... À ce prix-là, deux par jours sont tués en Afrique. C'est une hécatombe.
Pour les éléphants, même si les défenses en ivoire ont perdu beaucoup de valeur intrinsèque – elles se vendent aujourd'hui jusqu'à 800 € – le prestige dont elles jouissent est encore très important et la convoitise est bien réelle. Ce sont trois éléphants par jour qui sont tués pour leurs défenses !
Quant aux lions, après le massacre des tigres en Asie, ce sont les lions d'Afrique qui sont aujourd'hui convoités pour leurs griffes et leurs os, qui sont vendus principalement sur le marché asiatique.
Comment l'ONG avec qui tu travailles parvient à protéger ces animaux ?
La mission de Wildlife angel* est de former les rangers sur place spécialisés dans la protections des animaux. C'est un travail de surveillance et de comptage. Nous Européens apportons de la stratégie et des équipements technologiques. Nous aidons les rangers à faire respecter la loi locale car ils n'ont pas les moyens que nous avons. Tout se fait dans un respect mutuel profond et sincère, un amour commun de la nature, et dans un seul but : protéger la faune sauvage. Dans une situation qui était devenue désespérante, avec des risques d'extinction, nous sommes le dernier rempart entre la criminalité faunique et eux.
Grâce à des projets communautaires, des formations, et le partage de savoir-faire, nous contribuons non seulement à protéger la faune et la flore, mais aussi à améliorer les conditions de vie des populations locales, en renforçant leur rôle de gardiens de cette incroyable biodiversité.
Le résultat est probant ?
Oui, tout à fait. En deux ans de présence sur deux réserves qui représentent plus de 100 000 hectares en Namibie, pas un seul acte de braconnage ! Et zéro blessé côtés rangers et spotters, les spotters étant les bénévoles français qui constituent la première unité de surveillance opérationnelle pour appuyer les rangers dans leurs opérations de protections. Ce résultat est le fruit de 285 patrouilles diurnes et nocturnes en 2023 sur la réserve de Kirafu, représentant 2 489 heures de surveillance effective, et de 531 patrouilles en 2024 sur la réserve de Karundu (près de 80 000 hectares), représentant 9 450 heures de surveillance.
Comment ça se passe quand vous croisez un animal sauvage susceptible de charger, le rhinocéros et le lion en photos par exemple ?
Les animaux, en totale liberté, étaient constamment présents autour de nous.
Nous sommes à une centaine de mètres du rhinocéros. Il sait notre présence car nous avons contrôlé la direction du vent, qui venait vers nous. Il nous sent. C'est un broutard tout en muscle qui pèse près de 3 tonnes. Evidemment, nous respectons une distance de sécurité et nous ne faisons pas de bruit. Nous passons, c'est tout, pour nous assurer de sa sécurité à lui. S'il venait à charger, nous prenons la fuite, sans garantie...
Avec le lion Skar, c'est pareil. La rencontre est fortuite. Nous sommes dans le pick-up à quelques mètres de lui. Nous ne nous attardons pas - moins de une minute - tout en surveillant ses oreilles et sa queue pour savoir son état d'esprit. Comme vous le voyez, il était très calme. Mais ça peut changer en une seconde s'il voit un membre dépasser du pick-up... Sa vision est cubique, donc il voit passer un bloc, ce qui ne l'alarme pas. S'il venait à charger, ce qui peut se passer en un ¼ de seconde, il faut savoir qu'un tir sur un tel animal, qui pèse de 250 kg, ne garantit en rien d'en réchapper, sauf à viser entre les deux yeux. Sa taille plus l'adrénaline qu'il produit dans l'instant font qu'une simple balle ne le stopperait pas immédiatement. Quoi qu'il en soit, c'est tout à fait contraire à notre philosophie et à action que de prendre le risque de se mettre en situation d'être obligé de tirer sur un animal.
À l'inverse des rhinocéros, et contrairement à ce que l'on pourrait penser, un éléphant qui charge ne lâche pas l'affaire. La seule option, c'est la fuite... et croire en sa bonne étoile.
On te voit sur une photo avec une hache. Que fais-tu ?
Je coupe du bois pour faire un feu et chauffer l'eau. Nous passons la nuit dans la brousse, c'est un camp permanent sur un territoire de lions. Nous dormons normalement mais nous ne sortons pas la nuit si ce n'est pas pour patrouiller. Si les Hyènes voient un homme couché par terre sous une couverture, elles le tuent... Ce ne sont pas seulement des charognards...
Tu étais parti en Amazonie l'année dernière, avec ton frère qui est photographe et vidéaste pour toi. Quel est le point commun de ces deux aventures ?
D'abord, c'est mon métier que de partir dans des contrées inhospitalières. Je suis aventurier, comme Mike Horn, le plus connu de tous. Ma référence première est cinématographique : Mike Dundee dans Crocodile Dundee. Je suis formé et diplômé en survie en milieu hostile. Cela pour être en contact avec la nature sauvage, que j'aime et que je respecte profondément. Je veux transmettre ça au plus grand nombre. D'où des conférences, des interventions et des expériences avec des petits groupes dans la forêt amazonienne. Rien de tel qu'un tel séjour en autonomie pour sentir les choses, prendre conscience de ce qui va dans le sens de la vie.
Mais c'est aussi l'engagement pour une cause. En Amazonie, je lutte contre l'orpaillage. En Namibie, je travaille à la protection de la faune sauvage. L'Afrique abrite une biodiversité exceptionnelle, comprenant certains des écosystèmes les plus variés et riches de la planète. Cette diversité va bien au-delà des emblématiques éléphants, rhinocéros, et lions. Elle inclut une multitude d'espèces végétales et animales endémiques, essentielles au maintien de l'équilibre écologique du continent. Chaque jour, à travers nos missions de surveillance, nous sommes témoins de cette richesse naturelle qu'il faut protéger.
Propos recueillis par Rodolphe Bretin
#laurentexplore
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*ONG française fondée en 2015 par Sergio LOPEZ. Cette organisation se distingue par son engagement en faveur de la formation des Rangers à travers l'Afrique, en leur fournissant les compétences et les outils nécessaires pour mener des opérations anti-braconnage. Plusieurs Parcs Nationaux et Réserves ont déjà bénéficié de formations de leurs Rangers par WILDLIFE ANGEL. En détail, ce sont plus de 300 Rangers dans 8 pays du continent: Bénin, Côte d’Ivoire, Gabon, République Démocratique du Congo, Burkina Faso, Niger, Ouganda, Namibie.
Reconnue par l'UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature), WILDLIFE ANGEL est un acteur clé dans la préservation de la faune africaine et, depuis cette année, nous intervint également pour UICN France.
Photos @candelier_krantal
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