En plein G20 et alors que l’accord UE-Mercosur est sur la table, les agriculteurs ont réalisé un premier blocage « light » hier soir à Mâcon. L’ancien président national des JA et ancien député européen, Jérémy Décerle (éleveur de charolaises à Chevagny-sur-Guye) explique les raisons de la colère.
Quelle est la raison de ce blocage ?
J.D : « Si vous avez bien entendu les paysans il y a quelques mois, ce n’est pas la bonne trajectoire que de vouloir faire des échanges sur des produits agricoles et alimentaires qui ne respectent finalement pas ce que les consommateurs attendent, ni ce qui est imposé aux agriculteurs européens. L’idée est que cet accord ne soit pas signé, et que l’on entende les incohérences.
Lors dans mon passage de cinq ans au Parlement européen, on a voulu, à juste titre, monter l’Europe comme une puissance environnementale forte, la meilleure du monde. Et dans le même temps, maintenant qu’on a des ambitions environnementales élevées, on va aller signer des accords avec des pays qui n’ont pas du tout la même logique sur ces questions-là. Ce n’est pas cohérent. »
Donc il ne faut pas d’accord du tout ?
J.D : « ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas faire d’accord ou qu’il ne faut pas d’échanges, ça ne veut pas dire que pour certaines filières agricoles, ça ne peut pas avoir une vertu économique, c’est juste de dire qu’il faut arrêter d’expliquer aux consommateurs et aux agriculteurs européens qu’on doit être plus blanc que blanc, qu’on doit faire mieux que tout le monde, sans se protéger. Là, on affaiblit notre modèle agricole au détriment d’un modèle que l’on ne veut pas… On ne veut pas manger de bœufs hormonés, on ne veut pas manger de bœufs issus de la déforestation, on ne veut pas manger des aliments produits avec des céréales qui ont reçu des produits phytosanitaires que l’on a interdits chez nous ! Les consommateurs n’en veulent pas et les agriculteurs n’en veulent pas car économiquement, c’est de la concurrence déloyale. »
À qui s’adresse le message de cette première manifestation ?
J.D : « Ce soir, c’est un message aux autorités mais c’est aussi la volonté d’alerter le monde économique agricole : les entreprises agroalimentaires, la grande distribution qui sera elle aussi, dans son comportement, déterminante. Est-ce qu’ils vont aller chercher ces produits-là qui sont attractifs économiquement ou est ce qu’ils vont se tourner vers la production française qui est peut-être plus chère mais qui répond à des standards de production qui sont ceux que notre population et le monde politique ont voulus ? Ce n’est pas le tout de mettre des affiches de paysan à l’entrée des magasins et d’aller chercher le bout de viande à l’autre bout du monde ! »
Propos recueillis par David Bessenay