Le départ précipité de la directrice générale des services après seulement 3 mois d'exercice a provoqué l'ire des quatre élu.e.s d'opposition, qui ont décidé de s'exprimer ensemble lors d'une conférence de presse ce samedi matin. L'occasion d'évoquer différents sujets très épineux.
« Nous avons été tous surpris par le départ de la directrice générale des services qui a pris ses fonctions le 05 janvier et qui a souhaité nous quitter dès le début du mois de février de la même année.
Ce court passage montre à quel point les problèmes semblent nombreux dans notre commune. En effet, au conseil municipal du 07 avril, elle a tenu à s’expliquer sur les raisons de son départ en déclarant ne pas être en mesure, au risque de détruire sa santé, de faire face à une situation particulièrement difficile avec un nombre de dossiers mal construits, auxquels s’ajoute une situation conflictuelle au sein de l’équipe dirigeante. Nous en sommes témoin au quotidien.
Cette fonctionnaire a donc demandé sa mutation car les méthodes de travail appliquées dans cette commune lui semblaient d’un autre temps. »
Après cette introduction en forme de pavé dans la marre, les quatre élus sont revenus sur les finances publiques et le travaux de bâtiments pour dénoncer « une gestion opaque » avec « des financements de fonctionnement qui passent en investissement, des factures dont nous n'avons jamais entendu parler, ce qui donne le sentiment d'une volonté de cacher certains dossiers. »
« Où passe l'argent ? » demandent-ils sans détour alors qu'ils évoquent de possibles « conflits d'intérêts ». « Même si le maire peut se retrancher derrière les délégations qui ont été votées, il a pour obligation de rendre compte de ses dépenses à chaque conseil municipal. Ce qui n’a jamais été fait !
Nous doutons qu’une mise en concurrence soit systématiquement faite puisque l’avis des membres de la commission n’a jamais été demandé même pour des travaux importants.
D’autre part, les travaux décidés par la commune sont souvent réalisés par des entreprises locales, ce que nous approuvons, mais au sein desquelles travaillent des élus de la commune pouvant entraîner un conflit d’intérêts, car la réglementation du code général des collectivités territoriales et du nouveau code pénal, auquel s’ajoute l’article 2 de la charte de l’élu qu’on nous a fait signer, précise qu’un élu ne peut poursuivre un intérêt personnel ou particulier. »
Alain Houdinet, chef de l'opposition, a saisi la Cour régionale des comptes en date du 23 avril 2021 au motif de soupçons quant à la sincérité des comptes et d'une possible prise illégale d'intérêts. « J'ai eu un entretien téléphonique avec la directrice suite à mon courrier. Depuis, rien ! Je suis procédurier, oui, c'était mon métier. Mais il s'agit d'argent public, celui des Crêchois et des Crêchoises, donc je ne laisse pas passer. »
Autre dossier évoqué, le projet de construction d'un restaurant scolaire et d'une bibliothèque. Les quatre élus se sont prononcés en faveur de ce projet. Mais là où le bas blesse est sur le coût annoncé des travaux : « Le projet initial a fait l’objet d’un appel à candidature à hauteur de 1,6 million HT de travaux. Or, le conseil municipal a voté un avant-projet définitif pour 2,8 million HT de travaux.
Sans explication valable de la plus-value de 1,2 million d’euros, ni d’avenant validé par le conseil municipal, nous avons voté contre. A ce jour, nous n’avons toujours pas eu connaissance du projet de permis de construire qui a été déposé à la MBA.
Au total, nous estimons que le projet dépassera les 5 millions d’euros TTC, comprenant l'acquisition de terrain, les frais d’ingénierie, le mobilier. Cela sans compter les frais de fonctionnement qui n’ont pas été chiffrés...
Là encore, il s'agit d'argent public, celui des Crêchois et des Crêchoises, qui ne sont pas informés du surcoût ! »
À la question de savoir s'il pourrait être dû simplement à l’augmentation du coût des matières premières, Rémi Besson, spécialiste du sujet, répond tout net : « Cette augmentation a été de l'ordre de 15 % et donc ne justifie pas un tel écart entre l'appel à projet et l'avant-projet définitif. Par ailleurs, nous n'avons pas eu connaissance d'un avenant signifiant cette augmentation spectaculaire. Nous avons de gros doutes sur la conformité du permis de construire avec cet avant-projet définitif. Et l'on ne veut pas nous donner les documents » conclut-il.
Dernier sujet évoqué, le plan local d'urbanisme, fameux PLU, document technique qui fixe les règles pour les constructions privées sur une commune.
« Nous rappelons que les travaux du PLU ont commencé dès le 30 mars 2018 et que le troisième adjoint au maire pour l'urbanisme a également servi jusqu'à la fin du mandat du maire précédent.
Les procès-verbaux des conseils municipaux de 2018 à 2020 montrent que cet élu à l'urbanisme n'a jamais été écarté lors de la prise de décisions, puisqu'il en était en charge, mais aussi des votes au sein de cette assemblée délibérante.
On nous rapporte que si le projet de PLU est validé en l'état, deux terrains agricoles appartenant à cet élu deviendront constructibles. Cela remet en question l'équité et la transparence.
Quelques chiffres ! Ces parcelles sont cadastrées ZD 198 et ZD 117A et sont d’une superficie totale de 9166 m2. Aujourd’hui, ce terrain agricole vaut 2,50 € le mètre carré soit un total de 22 915 €. Demain, et si ce plan local d’urbanisme est validé, il deviendra constructible et sera d’un prix moyen de 70 € le mètre carré non viabilisé soit 641 620 €. Qu'en est-il de la valeur ajoutée ? »
Et de faire part de nombreuses interrogations : « Comment un élu ou ancien élu peut-il s’enrichir de cette manière quand on sait qu’il a participé à certaines décisions sur les premières années du projet et qu’il a conservé des liens étroits avec le maire et certains élus la majorité actuelle ? Pouvons-nous parler d’intérêt personnel ? Pouvons-nous parler d’une prise illégale d’intérêt ? Pouvons-nous nous parler de la légalité des délibérations municipales prises entre 2018 et 2020 en présence de cet élu ? Qu’en est-il de la charte de l’élu ? Qu’en est-il du règlement intérieur du conseil municipal à Crêches-sur-Saône ? »
Au final sur le PLU, « beaucoup de changements sont incompréhensibles, inexpliqués par les élus de la majorité, et totalement injustifiés... des extensions faites pour augmenter les surfaces en zone U de certaines parcelles qui permettront à terme de futures divisions ou constructions ; de nombreux agrandissements offrent des lots complets à construire. Certains se voient accorder ces extensions, d’autres sont privés de terrains constructibles de valeur égale... »
« Nous avons fait notre campagne électorale sur la transparence et l'équité due aux habitants de la commune » terminait Alain Houdinet. « Nous sommes force de proposition, mais il est clair que nous sommes privés de bien des éléments de travail censés être communiqués aux élus que nous sommes. Nous aurions évidemment préféré œuvrer autrement, dans un esprit constructif. Or, l'ambiance est loin de cela. »
Photo : Alain Houdinet, Annick Guyon, Marie-Bénédicte Lebègue et Rémi Besson