Le 20 mai 2017, Jérôme Laronze, éleveur à Trivy, est abattu par un gendarme.
La famille s'exprime également dans un long communiqué, appelant de ses voeux un procès
Communiqué
Le Comité Justice et Vérité pour Jérôme Laronze se réjouit de la décision de la défenseure des droits. Comme la famille l'a toujours dit, comme nous l’avons toujours dit, la mort de Jérôme Laronze est une faute qui convient d’être sanctionnée.
Dans cette décision rendue, il apparaît clairement aux yeux de la défenseure des droits :
- Que les tirs n’étaient pas « absolument nécessaires » (comme la loi l’impose) ni « proportionnés ».
- Que les gendarmes présents et ceux rapidement arrivés sur place n’ont pas rempli leur obligation de porter secours à Jérôme.
- Que la hiérarchie de la gendarmerie qui n’a pas fait d’enquête administrative après la mort de Jérôme ni pris de sanctions contre les gendarmes, qui ont commis les deux fautes précédemment citées, a également commis une faute.
Toute cette analyse conforte l’action du Comité Justice et Vérité pour Jérôme Laronze. Si depuis bientôt huit ans nous continuons d’agir au côté de la famille Laronze, ce n’est pas pour exercer une « vengeance », mais bien pour exiger Justice et Vérité pour Jérôme.
Nous savons également que les étuis qui avaient disparus, ont enfin été retrouvés sept ans après les faits. Ils ont été retrouvés là où la famille et son avocat avaient expliqué qu’ils devaient être. Ce qui indique que le gendarme n’était pas là où il a déclaré être et qu’effectivement, il n’était pas en situation de légitime défense
Nous attendons maintenant avec impatience le réveil de la Justice. Sept ans et neuf mois après la mort de Jérôme, il est plus qu’urgent que Justice et Vérité soient rendues. Conforté par cette décision, un non lieu apparaîtrait maintenant comme une négation de la justice et de la vérité.
Le Comité Justice et Vérité pour Jérôme Laronze
NDLR : Le comité s'est réuni régulièrement square de la Paix à Mâcon depuis le début de cette tragique affaire
Communiqué de la famille de Jérôme Laronze
« Nous savons comment l'histoire a commencé, par des contrôles administratifs abusifs, entachés d'irrégularités, qui ont finalement été jugés illégaux depuis. Nous savons également comment elle s'est terminée et notre société ne doit pas le tolérer. Votre travail doit servir à ce que cela ne se reproduise jamais. Aujourd'hui, plus de 7 ans après la mort de Jérôme, aucune explication n'a été accréditée par la justice. »
C’est par ces mots que la Confédération paysanne, la ligue des Droits de l’homme, mais aussi de nombreux citoyens, paysans ou non, interpellent inlassablement les juges d’instruction de Châlons-sur-Saône, en charge de ce qui est devenu l’affaire Jérôme Laronze, ce paysan, notre frère, fils, ami, camarade, tué le 20 mai 2017, par un gendarme de la brigade de Cluny.
Plus de 7 ans que cette instruction s’éternise et qu’on ne nous entend pas.
Après cette longue nuit interminable, enfin la décision du Défenseur des droits n°2024-218, qui apporte un nouvel éclairage sur la scène de crime qui s’est déroulée le 20 mai.
Souvenons-nous, très rapidement après le décès de Jérôme, Mme MALARA, Procureur de la république de Macon, le Général KIM, patron des gendarmes de Bourgogne Franche-Comté, le Colonel REY, responsable du groupement de gendarmerie de Saône et Loire, se réunissaient pour une conférence de presse et déclaraient d’une seule voie que « Les tirs ont eu lieu quand le véhicule de la victime était en mouvement. Le gendarme était également en mouvement quand il a tiré car il se dégageait de l’axe du véhicule qui lui fonçait dessus ».
Un sinistre récit se mettait en place, la victime devenant coupable puisqu’elle « fonçait avec sa voiture sur le gendarme », tandis que ce dernier recevait le soutien inconditionnel de sa hiérarchie, peu soucieuse de s’interroger sur les conditions d’ouverture du feu du gendarme.
La famille, privée d’un accès immédiat au dossier, était condamnée au silence.
Sauf que non, rien ne collait entre le récit du gendarme et les premières constatations techniques. Pas d’impact de balles sur l’avant du véhicule de la victime. Une scène de tir très rapide, ne permettant pas les nombreux déplacements décrits par celui-ci. Une douille de cartouche et des bris de verre retrouvés à un lieu éloigné des emplacements de tirs décrits par le militaire.
S’il est compréhensible que le mis en cause minimise sa responsabilité, il est insupportable que sa parole puisse être relayée sans précaution, par ceux en charge de l’enquête.
Une présomption de crédibilité pour la parole des gendarmes, qui n’a cessé de peser, non pas contre nous, mais contre la vérité judiciaire due à chaque citoyen, si justice est rendue en son nom.
Et puis, face à cette montagne sans horizon qu’on escalade à l’aveugle, les mains écorchées et le cœur en sang, un rai de lumière, aveuglante tellement on s’est habitué à l’obscurité, surgit.
Le 23 décembre 2024, le défenseur des droits a rendu sa décision n°2024-218. Monsieur X s’est Jérôme LARONZE.
15 pages claires et précises qui démontrent le caractère absolument illégitime des tirs du gendarme responsable de la mort de Jérôme :
« Les tirs réalisés par M. B atteignant le côté et l’arrière du véhicule de M. X n’étaient pas absolument nécessaires puisque le véhicule avait dépassé M.B et le danger n’était pas actuel et imminent.
Que le fait de tirer à cinq reprises, en sept secondes, comme le montre l’enregistrement du pistolet à impulsion électrique (PIE), apparaît disproportionné au regard du but poursuivi, à savoir faire cesser la fuite de M.X ;
Considérant que M.B n’a pas respecté le principe d’absolue nécessité et proportionnalité en usant de son arme de service à cinq reprises et a ainsi manqué à l’obligation définie par l’article R 434-18 du code de la sécurité intérieure ; »
15 pages accablantes à l’égard des cinq gendarmes qui ont failli à leur obligation légale et morale de porter secours, laissant Jérôme agoniser dans sa voiture pendant 23 minutes, ce 20 mai :
« Constate que les gendarmes B, C, E, F et D sont arrivés sur les lieux avant les pompiers mais qu’aucun d’entre eux n’a réalisé un geste de premiers secours sur la personne de M. X en dépit des constatations immédiates et partagées de défaillances cardiaque et respiratoire et d’hémorragie de M. X ;
Considère qu’en n’engageant aucun geste pour secourir M. X, M. B, Mme C, M. E, M. F et Mme D ont manqué aux dispositions de l’article R. 434-19 du code de la sécurité intérieure relatif à l’obligation de porter secours ;
15 pages parfaitement concordantes avec notre parole qui a été constante et mesurée à l’égard des faits advenus, même si, au fil des années écoulées, nous nous sommes pris à douter de notre choix de ne pas répondre à cette violence par la violence et d’affronter, en plus des mensonges, l’inertie judiciaire ou plus trivialement « un enterrement de l’affaire Jérôme LARONZE ».
Une décision cinglante à l’égard de l’autorité hiérarchique des militaires et de l’inspection générale de la gendarmerie nationale, chacune tenue de contrôler l’action des gendarmes, laquelle leur reproche de n’avoir conduit aucune enquête administrative ou disciplinaire depuis le 20 mai 2017, alors que « le respect de cette obligation fondamentale pour l’autorité hiérarchique lui permet de prévenir le risque d’atteinte à l’organisation et à l’image du corps, pour garantir tant sa crédibilité que sa légitimité. »
Cette décision est comme un répit dans ce qui ne devrait jamais, non jamais, être un combat acharné pour la vérité.
Une seconde étape importante, après le jugement du tribunal administratif de Dijon du 28 février 2020, qui a annulé les contrôles administratifs subis par Jérôme Laronze.
Reste la dernière étape, celle d’un procès.
Les juges d’instruction ont tous les éléments en main pour décider si des charges suffisantes existent pour renvoyer les gendarmes incriminés devant une cour d’assises. La décision du Défenseur fournit la preuve de l’existence de ces charges précises et concordantes.
Qu’en feront les juges ? La qualification pénale des faits exige la preuve d’une intention. Iront- ils se réfugier dans cet espace de libre appréciation et nécessairement « arbitraire » pour juger que ces gendarmes n’ont jamais eu d’intention criminelle mais qu’ils ont seulement agi de façon fautive ?
C’est la dernière étape de ce long voyage vers la vérité. Nous aurons encore besoin de votre appui.
Le rappel des faits : Le 20 mai 2017, Jérôme Laronze, éleveur à Trivy, est abattu par un gendarme. Quelques jours plus tôt, le cheptel de vaches de cet agriculteur de 37 ans allait être saisi, après plusieurs contrôles des services vétérinaires. Jérôme Laronze prend alors la fuite. Recherché par les gendarmes, il est aperçu à bord d’un véhicule lors d’un contrôle à Sailly, à une trentaine de kilomètres. Ce jour-là, l’éleveur reçoit trois balles, dont deux dans le dos. Il ne survivra pas à ses blessures.
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