C'est le sentiment que l'on pouvait avoir jeudi soir suite aux échanges qui se sont déroulés avec Olivier Salleron, président national de la Fédération française du bâtiment à La Chapelle-de-Guinchay. Mais... oui, il y a un mais
Accueilli dans le superbe cadre du château des Broyers, Olivier Salleron est venu voir ses troupes ici-bas. Il s'est livré à un discours sans concession vis à vis des pouvoirs publics et a ensuite répondu à quelques questions d'adhérents.
Quand le bâtiment va, tout va ? En tout cas pour l'heure, la situation économique semble s'être considérablement améliorée, le secteur ayant passé tant bien que mal la flambée du coût des matières premières. Critère de bonne santé ? L'emploi, avec une augmentation de 15 % de la main d'oeuvre en 2 ans ! Ce qui a fait dire au président national : « Nous sommes les recordmen et women du recrutement. Quand les ministres parlent du plein emploi, ils ne disent pas assez ce qu'ils doivent au bâtiment ! »
Pour autant, le ton de la réunion donné par la lecture d'un mail envoyé par une adhérente n'était pas celui de la joie et de l'enthousiasme, bien au contraire. En cause, la complexité générée par les normes, RGE en particulier, et la retraite !...
« La RGE, une usine à gaz », « payer pour être audité », « plus personne ne prend ses responsabilité », « On nous inflige une retraite à 64 ans... le quoi qu'il en coûte nous coûte très cher ! Maintenant la guerre en Ukraine... Tout ça profite plus aux grands groupes ! » ; « J'ai 54 ans et suis usée par la complexité, qui me met sous cloche. Au moindre écart, c'est la sanction » ; « tout fout le camp »...
Délicat de prendre la parole après cette lecture assassine d'une adhérente désespérée. Il le fallait pourtant, et c'est Olivier Salleron lui-même qui a enchainé en professionnel et président, apportant la touche d'optimisme nécessaire à la poursuite de cette réunion :
« Les amis sont à la Fédé. Les emmerdes, on est là pour ça... Oui, quand nos politiques disent vouloir simplifier, on voit souvent l'effet inverse.
Mais quand même, les perspectives sont gigantesques pour notre secteur d'activité. Avec les transitions énergétique et numérique, nous avons un gisement d'activité devant nous, des potentialités énormes. À condition de s'y préparer et de lutter contre la concurrence déloyale et la pression des industriels qui se sont fait la cerise sur notre dos, celle aussi des auto-entrepreneurs et micro-entreprises dans lesquels il faut faire le ménage, casser les dérives de la sous-traitance. »
Les politiques en ont donc pris encore pour leur grade, et ce n'était pas fini : ZFE, taxe sur les déchets de chantier – « bonne idée dont la mise en œuvre a été catastrophique » soulignait le président, zéro artificialisation des sols qui provoque des « fatwas » de certains élus locaux contre le Bâtiment... Olivier Salleron a insisté sur le nécessaire pragmatisme des professionnels contre l'idéologie de certains et les égarements d'une « administration qui rêvassent à des projets hors sol. »
Il s'est ensuite attaqué à deux « intox », selon son propre terme, qui font du mal au Bâtiment : « Ma prim'rénov (NDLR : aide d'État), c'est un succès ! Elle a généré 700 000 gestes de rénovations pour 20 000 cas de blocage. Les blocages, c'est 3 % seulement, il est donc trop facile de s'arrêter à ces blocages. »
Seconde intox, l'emploi : « Le bâtiment recrute et forme. C'est grâce à nous si la perspective du plein emploi se dessine ! Nous n'avons pas été salués pour ça par le pouvoir politique, qui tire la couverture à lui. Mais dites-vous bien que c'est le bâtiment qui va sauver la planète et qui contribue largement aux bons chiffres de l'emploi. 120 000 nouveaux salariés en deux ans ! Amenez-nous le marché et on va recruter ! On est là. »
Olivier Salleron est ensuite revenu sur les différents sujets de préoccupation des adhérents, évoquant tour à tour la RGE – « C'est chiant mais c'est important, ça nous préserve des margoulins », la crise de la construction neuve - « très violente, ça fait deux ans qu'on alerte. Elle met en danger 100 000 salariés en 2024 » - et le manque de réactivité des politiques, la crise des matériaux, les faibles marges, et la retraite.
Après cela, l'autorité de l'Etat s'est affirmée par la voix du préfet, défendant haut et fort le soutien sans faille de l'Etat à ce secteur d’activité, rappelant au passage quelles crises nous avons traversé depuis le covid. Et ce satané virus qui revient sur la table... « un virus qui a bouleversé les rapports sociaux » argumentait le préfet. « L'Etat était là avec le PGE, le fond de solidarité. Et il est toujours là, les services sont mobilisés, Mme la secrétaire générale est là ce soir, ainsi que le stagiaire de l'ENA. Nous sommes là, à vos côtés, sur le terrain. Alors sentez-vous aimez, vous l'êtes ! »
André Accary quant à lui, s'exprimant juste avant le préfet, a rappelé le rôle du Département dans le soutien à l'économie locale. Augmentation des investissements. « Le Département en 2015, ce sont 70 millions d'€ d'investissements. Aujourd'hui, c'est 180 millions ! Et nous aidons toutes les communes. Nous investissons aussi dans l'OPAC et dans les routes. Nous faisons travailler autant que possible les entreprises locales. » On n'est jamais mieux servi que par chez soi.
Le président du Conseil départemental a redit aussi le coût de l'électricité pour les seuls collèges du département. 3 millions d'€ l'année dernière contre 14 millions cette année !...
Rodolphe Bretin
Il faut redire ici que la gestion de la crise sanitaire a creusé le déficit jusqu'aux abysses, générant en retour une hyper-inflation que la population subit de plein fouet.
Les rapports sociaux ont été bouleversés par des mesures sanitaires contre un virus dont le taux de létalité était de 0,7 % au début de l'épidémie, taux calculé à partir des données hospitalières et non en population générale (communiqué de l'institut Pasteur du 21 avril 2020). Bouleversés également par des flots de chiffres et de commentaires hyper-anxiogènes pendant des jours et des mois, entretenant la peur et la suspicion, la défiance de l'autre.
Autre crise, celle de l'énergie. Il faut avoir une pensée aussi pour les artisans qui subissent l'explosion de leurs factures d'énergie à cause de l'entêtement du président de la République à rester dans le marché européen de l'énergie, sortie pourtant préconisée par des industriels de renom tels que Loïc Le Floch-Prigent et Henri Proglio.
Les choix politiques peuvent atténuer ou aggraver les crises. Selon que vous serez modeste artisan boulanger ou puissant industriel, les effets d'une décision politique n'auront pas tout à fait, voire pas du tout les mêmes effets...
R.B.
Olivier Salleron
Aux côtés du président départemental Eric Pierron
Yves Séguy, préfet de Saône-et-Loire, réaffirmant le soutien de l'Etat