Affaire de voisinage à Tournus jugée mardi après-midi par le tribunal correctionnel de Mâcon en comparution immédiate. Affaire de voisinage et affaire de porte ! Quand la futilité vire au noir... Des voisins de pallier ne se supportent plus. L'un ferme la porte du couloir commun pour éviter les courants d'air, l'autre l'ouvre pour aérer. Et les deux se surveillent. Jusqu'au jour où madame J pète les plombs, s'énerve, et, en furie, va trouver son voisin chez lui pour le menacer avec un couteau de cuisine.
Deux semaines avant (le 25 février), elle avait fait des "sommations". Monsieur R, agressé et déjà menacé d'une arme blanche, avait déposé plainte. Le 10 mars, un cap est franchi dans la violence. Madame J passe la porte de son voisin et là, altercation. Monsieur R reçoit un léger coup de couteau dans l'abdomen et un coup dans la gorge, qui le blesse (2 points de suture et 10 jours d'ITT). Il parvient à repousser madame Y, qui chute et se blessée aussi au front. Monsieur R prend la fuite, Madame X lui jette des morceaux de bâtons et appelle les pompiers, pour elle... Elle saigne abondamment.
Une voisine amie des deux autres prévient les gendarmes. Sur place, ils trouvent le couteau, nettoyé. À côté, un mouchoir ensanglanté, et du sang dans l'évier... Visiblement, on n'est pas passé loin de l'homicide.
Quelques regrets sont exprimés, mais rien de bien convainquant pour le tribunal, qui lui demande si elle a quelque chose à dire à l'avocate de la victime, constituée partie civile mais qui n'est pas présente, trop effrayée de se retrouver en face d'elle. Pas de message à l'adresse de Monsieur R, pas d'excuses !
Lorsque le tribunal évoque une nécessité de soins et de voir un psy, la réaction est révélatrice : « Ah non ! Je veux pas de psy ! » Peu de temps avant, sur l'idée d'un placement dans un centre spécialisé, elle répond : « Si vous me mettez là-dedans, je suis capable de commettre un meurtre ! »
Après ça, le sentiment général est le doute, voire à l'inquiétude. Madame X ne semble pas être en capacité de supporter une frustration ou une contrainte. Le risque de réitération semble particulièrement prononcé. Madame J est border line.
Il se trouve qu'est aussi sous curatelle. « Une femme très gentille » défendra son avocat Maître Braillon, qui l'a connait pour l'avoir déjà aidée. « Celle affaire relève presque du tribunal pour enfant. Ici à la barre, Madame J est en effet comme un enfant. Ses réponses sont de l'ordre de la fanfaronnade, de l'insolence. »
Elle a tout de même un casier judiciaire, mais relativement léger, pour des violences sur personne chargée de mission de service public en 2008. « Elle avait insulté mon mari » justifiera la prévenue. À l'époque, Madame J la tape et lui tire les cheveux.
Une autre condamnation, plus ancienne, pour vol.
Sa situation familiale et psychologique est celle-ci : 50 ans, trois enfants placés, le mari décédé. Deux tentatives de suicide. Pour autant, l'expertise psychiatrique indique qu'elle n'a pas d'altération du discernement. Elle est donc accessible à une sanction pénale.
Suite aux violences du 10 mars, elle a été placée en garde à vue et se présente tout à fait normalement à la barre ce mardi 30 avril pour répondre de ses actes.
Madame la procureure requiert 2 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec un sursis probatoire d'une durée de trois ans, la peine ayant pour objectif de lui faire prendre pleinement conscience de la gravité de son geste. Elle requiert également l'obligation de soins, malgré la réticence exprimée, ainsi que l'interdiction d'entrer en contact avec la victime.
Après en avoir délibéré, le tribunal la déclare coupable et prononce une peine de 2 ans avec sursis probatoire intégral et renforcé pendant deux ans, obligation de soins et indemnisation de la victime.
Rodolphe Bretin