L’intelligence artificielle a fait son entrée dans le monde des sapeurs-pompiers et ce n’est qu’un début. Les professionnels de le sécurité civile ont longuement débattu du sujet jeudi matin.
Avec la centralisation prochaine des données de tous les SDIS de France sur un seul outil Nexsis, les sapeurs-pompiers vont bientôt disposer d’une somme de données impressionnantes (qui se comptent en millions).
Comment les utiliser ? Comment les protéger ? C’est tout le débat qui agite bien au-delà des Sapeurs-pompiers, les collectivités et les autres services de secours (Gendarmerie, etc.)
En préambule, les intervenants (voir ci-après) se sont voulus rassurants : « C’est l’humain qui prend la décision, avec l’aide de l’IA ». Autrement dit, l’homme gardera le contrôle et fera de l’IA ce que bon lui semble.
Et pour tous, il y a urgence à avancer, à créer les outils adaptés aux besoins des pompiers, à valider des solutions propres plutôt que d’attendre que les entreprises privées étrangères « mercantiles et apatrides » ne le fassent, pour garder le contrôle, garder la souveraineté.
Cette culture de la data et de l’usage de l’IA passera par un grand besoin de formation parmi les officiers des SDIS.
Collecter des données n’est pas suffisant, il faut les structurer, les affiner. Mais une chose est sûre, le recours à IA va permettre de faire des progrès considérables dans l’organisation et distribution des secours sur le territoire.
Pour autant, il faudra surmonter quelques écueils. L’IA a un impact écologique non négligeable, son bilan carbone n’est pas bon, elle pourrait ainsi contribuer au dérèglement climatique, donc aux catastrophes (tempêtes, incendies) que combattent justement les pompiers…
Autre point à déterminer, faut-il imaginer des outils franco-français ou européens comme l’espérait un représentant du ministère belge de la Santé ? La réponse n’a pas été tranchée.
Quelles applications concrètes ?
Il existe déjà des outils pour détecter feux de forêts et anticiper leur parcours. Il y a même beaucoup d’initiatives en la matière en France et l’étranger. Mais comment s’y retrouver dans cette jungle de propositions ? Comment juger que tel outil est meilleur ou plus adapté que tel autre ? Comment les évaluer ? C’est l’un des défis qui s’impose aux responsables du SDIS
Régis Cousin, président de la FFMI, signalait qu’il existait dans les bâtiments de plus en plus de capteurs intelligents capables de donner des infos sur la quantité de fumée, de températures… Des informations qui pourront s’avérer extrêmement précieuses pour combattre un incendie.
La gendarmerie, représentée par le Général Perrot, a déjà avancé sur l’IA et il est venu partager ses expériences. Ainsi un outil permet de développer une analyse prédictive des cambriolages donc de faire des contrôles en amont dans la zone concernée mais aussi d’alerter des élus, les citoyens. L’IA permet aussi aux gendarmes d’analyser les mouvements de foule, de faire du comptage des victimes…
Du côté du SDIS, les essais sont aussi encourageants, « mais on est tributaire des quantités données ». En d’autres termes, plus les données sont mutualisées, nombreuses, plus les prédictions seront fiables. En ajoutant les donnes externes (état du trafic, épidémies en cours, densité de population) à celles propres aux interventions de pompiers, l’IA arrive aujourd’hui à déterminer les interventions prévisibles dans les douze heures à venir, sauf événement exceptionnel bien entendu ! « ça permet de s’organiser, ça va changer la vie des centres de secours », insistent les professionnels.
Demain l’IA sera sûrement utile dans les retranscriptions des appels audios : grâce à l’état émotionnel de la voix, l’usage de certains mots-clefs, l’IA pour déterminer les cas les plus urgents.
Plus généralement, l’IA pourra effectuer des tâches répétitives et chronophages qui permettront aux pompiers de se concentrer sur l’essentiel, le cœur de leur métier : le secours aux personnes.
Mais pour en arriver là, il faudra trouver les financements nécessaires car en l’état, les SDIS n’ont pas les moyens d’investir suffisamment dans ces outils si importants pour l’avenir.
David Bessenay
Table ronde 1 : Gouvernance et gestion des données
Julien Marion et lieutenant-Colonel Gilbert Antchandiet (DGSCGC), Claude Riboulet (président du département de l’Allier), Hugues Deregnancourt (directeur du SDIS de l’Ain), Pierre Casciola (Directeur agence numérique de la sécurité civile), professeur Hichem Snoussi (Université techno de Troyes), Michaël Bardin (maître de conférences université Avignon), Stéphanie Bidault (AMF) et Capitaine Quentin Brot (ENSOSP).
Table ronde 2 : Usages opérationnels et fonctionnels de l’IA
Général Patrick Perrot (Gendarmerie Nationale), Lieutenant-Colonel Philippe Meresse (ECASC Valabre), Commandant Yvon Storz (Assoc SIS Datalab), Véronique Lehideux (Ministère transition écologique), Régis Cousin (président FFMI) et professeur Hichem Snoussi (Université techno de Troyes).