La MJC Héritan proposait jeudi à l'amphithéâtre Guillemin une conférence sur le thème Ecole et Laïcité, en partenariat avec l’association Agir pour la Laïcité et les Valeurs Républicaines. Un grand moment de réflexion que nous résumons ici.
C'est Eric Binet, Président d’Agir, qui, après l'accueil par Françoise Riss, Présidente de la MJC, anima cette soirée qui a réuni près de 50 personnes particulièrement attentives au message que venait délivrer le secrétaire général du Conseil des sages de la Laïcité.
Alain Seksig est un militant laïque de longue date. Ancien inspecteur de l’Éducation nationale passé par le cabinet de Jack Lang, il fut ensuite chargé de mission auprès du Haut Conseil à l’intégration et occupe désormais la fonction de secrétaire général du Conseil des Sages de la laïcité de l'Éducation nationale, créé par Jean-Michel Blanquer.
Cette trajectoire, cet engagement, cette pratique du terrain, ce vécu militant nourrit une personnalité dont l’intelligence fine et posée livre une approche pondérée, un regard de terrain accessible, et une paisible lucidité sur ce sujet ô combien éruptif de la Laïcité dans l’École.
C’est dans cette douce et captivante ambiance que le conférencier rappela ses origines d’enfant qui grandit à Chalon sur Saône, puis, avec gravité, rendit un hommage à Boualem Sansal : « C’est un ami proche, la douceur incarnée, le savoir dans les geôles du régime algérien, est un crève-coeur. »
L’ancien instituteur remonta avec calme et précision, celle de la pratique du terrain pédagogique, le temps institutionnel : « Dans notre pays, le lien entre l’École, la République et la laïcité est consubstantiel. Dès les années 1880, les lois Ferry et Goblet assurent le caractère laïque des programmes d’enseignement et des personnels qui les servent. Avant même la République, avec vingt ans d’avance sur la loi de séparation des Églises et de l’État, promulguée le 9 décembre 1905, l’École est laïque. »
Avec ce point de départ d’une école de la République, laïque, 20 ans avant la République, s’ouvrait une longue période de calme et d’indifférence, protégée par les circulaires de Jean Zay de 1936 et 37 : « L’enseignement public est laïque. Aucune forme de prosélytisme ne saurait être admise dans les établissements. Je vous demande d’y veiller avec une fermeté sans défaillance. »
« La laïcité était un acquis. Nous n'avions pas à y revenir et nous étions surtout préoccupés, cinq ans après 68, les jeunes enseignants que nous étions, d'incarner un certain changement. Et lorsque nous commencions comme moi à Belleville en 1973, et que nous avions affaire à beaucoup d'enfants d'origine étrangère dans nos classes, nous pensions qu'il fallait un peu dépoussiérer notre enseignement et faire place à l'expression de cultures différentes. C'est comme ça que les choses ont un peu commencé et que la notion même de laïcité s'en est trouvée au fil des années, un peu altérée. »
Un demi-siècle plus tard, la thématique étant quasiment tombée dans l’oubli, éclate, au collège Gabriel Havez de Creil, « ce qu’avec le recul nous pouvons aujourd’hui nommer la nouvelle querelle de la laïcité. » Vidéos, témoignages, à l’appui avec patience, détricota en historien, les errements, les renoncements, les tentatives d’une période de flou : « Après l’affaire de Creil, il fallut attendre près de vingt ans pour qu’à la suite des travaux de la Commission Stasi, la querelle soit en partie tranchée, par le vote, à l’écrasante majorité des élus républicains des deux chambres, de la loi du 15 mars 2004 sur les signes et tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. »
Vingt après la loi sur les signes religieux ostensibles à l’école, et malgré le rapport Obin, l’on reste encore dans la recherche de règles claires. Alain Seksig estime que le combat pour préserver le modèle laïque français n’est pas encore gagné. « Il y a une rupture générationnelle que nous n’avons pas su anticiper », alerte le secrétaire général du Conseil des Sages de la laïcité. Pour le drame de l’assassinat de Samuel Paty le 16 octobre 2020, « nous savions l’institution menacée »...
Pour Alain Seksig, « le principe de laïcité est un principe de concorde, l’application du principe de laïcité est aussi le résultat d’actions menées à d’autres fins – et d’abord de la transmission des connaissances… si le dialogue avec nos élèves et leurs parents est toujours nécessaire, il ne doit pas être confondu avec quelque négociation que ce soit. »
Magnifiques instants de réflexion où, loin de la ferveur violente des fanatiques religieux, cet Humaniste de la Laïcité à l’École propose aux modérés la force de la conviction, sans craindre de s’enflammer pour défendre leur cause. « Ceux qui connaissent l’alliance de la modération et de la détermination méritent d’avoir le monde en héritage, et ce parce qu’ils n’auront jamais lancé ni croisade ni jihad pour sa possession. » Amos Oz
J.-Y. Beaudot
Alain Seksig entouré de Françoise Riss (à gauche), présidente de la MJC, de Nathalie Canard (au centre), directrice, Jean-Marc Dumas (2ème à gauche), militant de la laïcité au sein de l'association Agir, et Eric Binet (au centre), président de l'association