Dans le cadre du 81ème anniversaire de la libération de notre territoire et du 80ème anniversaire de la libération des camps nazis, l'Église protestante de Mâcon a souhaité s'inscrire dans ces hommages en organisant ce vendredi 4 avril à l'amphithéâtre Guillemin cette conférence sous l'intitulé : Des chrétiennes résistantes, quel sens donner aujourd'hui à leur engagement ?
Afin d'échanger sur ce thème, la communauté protestante, sous l'égide du Président du Conseil presbytéral Hervé Reynaud avait fait appel à Anne Soupa, théologienne de haut niveau et essayiste réputée, François Boulet, agrégé, historien du protestantisme, auteur de nombreux ouvrages, et Jean-Marie de Bourqueney, modérateur de la conférence, pasteur, écrivain, chroniqueur et fils de résistant.
« L'objet de nos échanges est de monter comment ces femmes ont joué une part de notre histoire et qu'est-ce que ces femmes peuvent nous enseigner sur nos engagements aujourd'hui ? », a indiqué le modérateur en laissant la parole à François Boulet pour exposer la partie historique.
L'historien a retracé la biographie des ces deux figures de la résistance. La catholique Geneviève Anthonioz de Gaulle, nièce du Général, résistante de la première heure, arrêtée le 20 juillet 1943, déportée à Buchenwald, fondatrice de l'association ATD Quart Monde. Elle repose au Panthéon.
La protestante Berty Albrecht, arrêtée par la Gestapo de Klaus Barbie au square de la Paix, a préféré se suicider à la prison de Fresne le 31 mai 1943 plutôt que de parler sous la torture. C'est l'une des six femmes Compagnon de la Libération. Elle est inhumée au Mont Valérien. Elle avait deux passions : la condition féminine et la condition ouvrière.
La parole a été donnée ensuite à Anne Soupa qui a centré son intervention sur la signification du mot résister aujourd'hui.
La théologienne a brossé l'état du monde actuel qui dévoile une apologie sans complexe de la loi du plus fort ayant la volonté de mettre la main sur des états souverains. Le retour du nettoyage ethnique, une discrimination assumée envers les étrangers, les femmes, les minorités sexuelles, une réduction de la personne humaine à un statut de consommateur. « Nous voyons un usage dévoyé de la parole, de la promesse, la confiance cède la place à la défiance », a-t-elle souligné.
Elle s'est appuyée pour étayer son propos sur une tribune parue dans Le Monde intitulée : Trump et Poutine peuvent bien brandir la Bible, ils ne sont pas les serviteurs de l'Évangile.
« Nos démocraties occidentales ont puisé à une source judéo-chrétienne. Les chrétiens croient au mystère pascal, moi je l'ai appelé la croix parce que c'est toujours vers la croix qu'il faut se tourner pour comprendre. »
Elle a montré en 4 acquis uniquement d'un point de vue éthique ce que la croix du Christ nous apprend et apprend à tous les êtres humains :
1er : Jésus donne sa vie. Sans le don il n'y a pas de société possible, ce n'est pas une question de religion. S'il n' y a pas de don c'est la guerre entre nous.
2ème : Jésus a refusé un pouvoir oppresseur, qui culpabilise les petits et qui organise un système de partage des pouvoirs.
3ème : Sur la croix, Jésus rassemble l'humanité parce qu'il prend la place du dernier, il refuse la division de l'humanité.
4ème : Il est le frère par excellence.
« Tous ces acquis sont partageables par beaucoup de personnes. Ces valeurs sont l'horizon des chrétiens. La croix est le centre de la vie chrétienne. Le primat de la croix est radicalement contesté aujourd'hui. La croix est devenue le lieu du non sens. En 2025, il y a quelque chose de théologique qui nous perturbe. Elle a cité l'exemple de Trump et de Poutine. « Notre horizon est en train de vaciller.
La question des chrétiens est comment résister devant un tel tableau ?
Le christianisme aborde ces questions de manière défavorable.
L'institution catholique est extrêmement fragilisée par la crise des abus, elle doit être réformée. Cette crise a fait partir beaucoup de catholiques. On peut presque dire que la plupart des catholiques sont hors les murs aujourd'hui, tellement les sacrements ont baissé. Il y a une désaffection des institutions. C'est une des difficultés pour résister.
La 2ème raison, c'est que nos sociétés ont d'autres rapports à la personne et au temps.
Les sociétés refusent le long terme alors que la vie chrétienne est fondée sur le temps long. D'autre part, elles ont une conception de l'être humain que je trouve en partie atrophiée. Il y a une réduction de la personne à l'image Il y a un encouragement à la compétition, à la culture du jetable, nos sociétés portent sur chacun de nous un regard élitiste cruel et sans pardon. Le vrai pardon est très rare. En plus, nos sociétés se détournent du christianisme parce qu 'elles le croient fait pour les faibles. Le christianisme dit tout est possible mais pas sans les faibles. Je crois pour ma part que le christianisme est fort, sa force est tout ce que je vous ai dit dans la contemplation de la croix.Mais le christianisme est aussi une invitation à créer, à faire fructifier ses talents. Pour le christianisme, la religion fait confiance à l'individu. Il a une capacité de transformation du monde très féconde pour demain.
Enfin, le christianisme est l'inventeur de la fraternité.
Pour conclure, comment agir, comment résister ?
Les chrétiens sont connus pour leurs capacités d'initiative dans le monde caritatif, associatif. Il faut choisir un christianisme non identitaire.
Le christianisme a la foi, l'espérance et la charité. On va chercher à mettre en application ces vertus théologales.
Il y a beaucoup à dire sur l'espérance. L'espérance est une vertu sur laquelle les chrétiens peuvent apporter beaucoup. Qu'est-ce que l'espérance ? C'est la conviction que rien n'est jamais fini et qu'il y a toujours un avenir, qu'il y a toujours une porte ouverte devant. C'est en fait le dynamisme profond de la vie.
Ce que nous apprend la crise actuelle, c'est l'espérance. Elle paraît quand tout semble perdu, quand on arrive à déverrouiller les portes qui sont trop fermées. L'espérance c'est vraiment ce qui germe quand tous les espoirs ont été piétinés.
L'espérance c'est une vertu qui ne se paye pas de mot mais qui se traduit en acte. Elle est faite pour agir.
Elle nous propose une petite chose c'est de commencer par être heureusement fier de notre christianisme, d'accepter de témoigner. S'il n'y a pas de témoin, il n'y a pas d'évangile, il n'y a pas de christianisme. Le témoin c'est la colonne de toute communauté chrétienne. Nous ne pouvons témoigner que d'une vérité. »
Elle a créé avec un groupe d'ami;e.s une association qui recueille les témoignages en vidéo pour dire en quoi le christianisme est bon pour vous ou pour la société ou pour l'écologie.
Un temps d'échange avec le public a clos la soirée.
Maryse Amélineau
Photos © Maryse Amélineau