Elle témoignait hier, dans le cadre du tournoi international de tennis, de cette terrible chose. Une leçon aux éducateurs pour « écouter, croire et protéger ».
De nombreux responsables et encadrants du sport et particulièrement du Tennis ont répondu à la belle initiative conjointe de la Ville de Mâcon, Engie et du Tennis Club, dans le cadre du 13ème ENGIE OPEN tournoi international de tennis féminin. Le président Didier Martinez était entouré de Jean Payebien, adjoint au sport, de Patricia Ravinet, conseillère déléguée en charge des relations avec les associations sportives, de Clémentine Noiraud déléguée régionale Engie, de Franck Charlier, conseiller régional BFC, de Pierre Michel Barbier, directeur du tournoi, tous très à l’écoute d'Angélique Cauchy.
Angélique Cauchy, en nous accueillant, affiche un large sourire, avec des yeux clairs rayonnants et un sweat siglé « Anglet », un clin d'œil à sa région d'adoption. Rien qui ne laisse deviner l'épreuve qu'elle a traversée et qu'elle s'apprête à raconter. Même si son regard s'assombrit légèrement au moment de dévoiler son histoire, sa voix est posée, son discours fluide.
La jeune femme se tient debout. Elle fait face à un public silencieux et attentif. Les participants sont abasourdis. Leurs visages sont graves. Le témoignage de l'ancienne joueuse de tennis, aujourd'hui professeure d'EPS, les cloue sur place. Les mots sont parfois crus, choquants. Angélique Cauchy a été sous l'emprise de son entraîneur durant des années. Elle était alors un jeune espoir du tennis tricolore. Elle a subi 400 viols en deux ans. Il lui a fallu plus de 15 ans pour parler de son calvaire à ses proches et oser porter plainte.
C'est à l'âge de 12 ans qu'elle a croisé la route de son bourreau. Viols, violences sexuelles et psychologiques, l'adolescente va rapidement se retrouver sous emprise. Plus de vingt ans après les faits, la jeune femme, en se replongeant dans son histoire, nous livre un témoignage tragique et bouleversant.
Dans une déclaration d’une profonde intelligence, cette HPI, hypermnésique, qui se consacrait à suivre la voie Science Po et ENA, dissèque sous nos yeux les mécanismes de ce drame, au mode opératoire rodé, qui précipite l’enfant sous l’emprise d’un adulte. Cette rencontre est le début d'un long et terrible chemin de croix : « Assez rapidement, il a essayé de me mettre en confiance en me disant que j'étais un diamant, que j'avais largement le potentiel pour être dans les dix meilleures mondiales… » se souvient-elle.
Séduire, isoler et culpabiliser. Une fois la victime conditionnée, l'agresseur peut alors parvenir à ses fins. Ce mécanisme, bien rodé, le coach l'a utilisé pour chacune de ses autres proies. « Il avait un vrai mode opératoire : d'abord vous flatter en vous faisant sentir à part, puis vous dégrader en soufflant le chaud et le froid, pour ensuite se rendre totalement indispensable une fois qu'il vous a isolée. Cette personne devient tout pour vous car il ne vous reste plus rien par ailleurs. »
Le stage à La Baule, les « 15 pires jours de ma vie » : Outre ces menaces, son bourreau utilise aussi des stages de tennis, et donc l'éloignement de ses victimes, pour y perpétrer des violences.
Cette descente aux enfers décrite avec la plus éprouvante précision est aujourd’hui le socle noir d’une renaissance consacrée à briser l’omerta, les silences pour protéger les familles. Le temps est aujourd’hui venu de « s’oublier en tant que victime et d’agir ». C’est l’ensemble du milieu sportif qui est appelé à revoir son positionnement vis à vis des mineurs.
Angélique ne veut plus être la victime mais « tirer quelque chose de positif » de son passé. C'est pourquoi elle a créé, avec Margaux et Astrid notamment, ses « covictimes », l'association Rebond, pour « aider les jeunes à grandir et à s'épanouir dans un cadre bienveillant. Je veux essayer de les protéger car on ne m'a pas protégée », souligne-t'elle, en pointant aussi du doigt « cette grande permissivité, ainsi que la responsabilité des témoins ».
Depuis 2021, l'association organise, en lien avec la Fédération française de tennis, des interventions de prévention et de sensibilisation auprès de clubs et de ligues, ainsi que de la formation et de l'aide aux victimes. Aujourd'hui, professeure d'éducation physique et sportive, Angélique Cauchy a gagné le combat qu'elle portait en elle depuis plus de la moitié de son existence, pouvoir raconter ce qu'elle avait vécu et entamer sa reconstruction. À présent, son objectif est de profiter de la vie. Depuis peu, elle retrouve du plaisir à travers le padel.
Elle raconte son histoire dans Si un jour quelqu'un te fait du mal. « Jamais, jamais on ne doit vous faire culpabiliser de ce que vous avez vécu », martèle la jeune femme à l'adresse de son public jeune. Une phrase qui a conditionné la conclusion de son ouvrage. « Si un jour quelqu'un vous fait du mal, nous, les adultes, nous devons vous écouter, vous croire, et vous protéger. »
Protéger l’enfance dans le sport, pour que le sport construise mais ne détruise plus !
J.-Y. Beaudot