Une catholique, une juive et une protestante ont parlé de leur expérience respective de leur religion hier soir devant près de 400 personnes. Une conférence exceptionnelle proposée par l'Église protestante unie. Un moment culturel riche et éclairant.
Kahina-Bahloul, imame, devait être présente mais a dû rejoindre l'Algérie le matin même pour des raisons professionnelles a annoncé Hervé Reynaud, président de l’Église protestante unie de Mâcon, avant de lancer la soirée.
« Il faut être honnête, le reconnaître, l'histoire des religions n'est pas en faveur de l'égalité homme-femme » propos introductif de l'animateur Jean-Marie de Bourqueney qui posait le décor de cette conférence sur la place des femmes dans la religion et, plus largement, de la société. » « Question qui ne devrait d'ailleurs même pas se poser... » dira-t'il aussi.
Représentant la plus ancienne religion, Floriane Chinsky, rabbin depuis 16 ans, membre du Mouvement juif libéral, a eu le privilège d'entamer cette conférence-débat, bousculant d'entrée de jeu l'ordre établi. « Pour étudier, pour comprendre, il faut remonter aux sources. Et pour remonter aux sources, il faut aller contre-courant. Quand je suis devenue rabbin, je me suis demander quel modèle j'allais suivre.
J'ai participé à un congrès aux Etats Unis, avec cent vingts femmes rabbin. J'ai vite compris que cette diversité était une ouverture, que je n'aurais pas de modèle à suivre. La question du modèle était réglée. C'était un soulagement mais qui me mettait dans une grande responsabilité : être créatrice, à l'image de de la créatrice du monde... Je me choque moi-même en disant cela. Mais c'est bien, il faut se choquer, bousculer, là est la force créatrice. Quand on retourne aux sources, on se rend compte que l'égalité est foncière dans les textes. »
Un propos confirmé par Anne Soupa, théologienne catholique, candidate emblématique à l'archevêché de Lyon après la démission du cardinal Barbarin en 2020. En 2008, elle crée le comité de la jupe à la suite de propos misogynes du cardinal-archevêque de Paris André Vingt-Trois. « Oui, le christianisme est égalitaire. C'est l’Église qui est amnésique. Il faut revenir à la tradition pour s'en rendre compte. Quoi qu'il en soit, si 55 % des Français se disent catholiques, 2 % sont pratiquants ! Ce qui veut dire que le catholicisme est hors les murs aujourd'hui, et il rejoint les préoccupations sociales.
Quant à l'égalité homme-femme, si l'on regarde le temps long, elle progresse. Evidemment, nous avons encore de vieux réflexes. Je ne supporterais pas moi-même que mon mari étende le linge. C'est mon affaire ça. Pour autant, il faut éviter de juger et voir que l'égalité est dans la différence. Je salue d'ailleurs la contribution masculine à la cause des femmes. »
Côté église réformée, Emmanuelle Seyboldt, pasteure depuis 1994, présidente de l’Église Protestante Unie de France, l'égalité homme-femme n'a jamais été un problème pour moi dans mon parcours, jamais la moindre difficulté par rapport à ça. Quand je suis devenue présidente, les journalistes en ont fait un événement et m'ont demandé de commenter. Je leur ai dit qu'il n'y avait pas d'événement, avec 38 % de femmes pasteures, que je sois la première femme présidente était absolument normal. Mais une collègue pasteure m'a reproché ces propos, me disant que je ne servais pas la cause des femmes. J'ai réalisé que c'était encore l'exception en France et qu'en effet, il fallait parler, défendre ouvertement la cause des femmes. Ma fille m'a également renforcée dans ce sens. »
Quant au texte sacré, la bible, Emmanuelle Seyboldt l'a qualifiée de « texte révolutionnaire ». « J'y ai trouvé une parole de liberté et de vie. Ce que les hommes en ont fait tient de la tentation du pouvoir. La mise à l'écart vient du pouvoir que l'on veut se donner. Or, le maître-mot, c'est le service. Jésus renonce à la tentation pour servir. »
Et Anne Soupa de rebondir là-dessus : « Jésus a été mis à mort parce qu'il contrariait les pouvoirs en place. Il a fait don de sa vie et a pardonné. Ce sont là les trois clés de la vie ensemble : lutter, donner, pardonner. »
Une première conclusion aura été donnée par l'animateur lui-même, reprenant ce mot terrible qui évoque tellement de douleurs et d'intolérances, et pourtant... « Hérésie. Le terme vient du Grec haíresis, qui signifie à l'époque classique "choix". L'hérésie, c'est le choix des convictions. » Tout n'est donc qu'une question de point de vue, d'interprétation, avec en arrière-fond, la... tentation ! celle du pouvoir sur l'autre qui influence nos actions vis à vis de cet autre.
Jésus était le premier hérétique. Le premier combattant de l'égalité homme-femme dans notre civilisation judéo-chrétienne, qui a pourtant si peu considérée les femmes depuis 2000 ans.
Tellement dommage que Kahina-Bahloul ne fut pas présente.
Pour connaître sa pensée, vous pouvez lire Mon islam, ma liberté et Des femmes et des dieux, ce dernier co-écrit avec Floriane Chinsky et Emmanuelle Seybolt.
Rodolphe Bretin