Nous avions publié au soir du 22 avril le communiqué de l'association Local Libertaire de Mâcon qui relatait et dénonçait une violente agression physique devant le local sis avenue Jean Jaurès dans la nuit du 13 au 14 avril par « un groupuscule d'extrême droite ». La victime avait refusé de porter plainte pour des raisons toutes personnelles, « n'affectionnant pas particulièrement les forces de l'ordre » a confié récemment une personne de son entourage. La plainte n'a finalement pas été nécessaire aux policiers pour identifier les auteurs de l'agression. la vidéo-protection a parlé pour elle : deux hommes de 30 et 31 ans sont bien visibles sur la vidéo, en train de se battre et de frapper la victime au sol.
Les deux hommes ont été interpellés par la police à leur domicile et ont été jugés cet après-midi par le tribunal correctionnel de Mâcon dans le cadre d'une comparution immédiate.
Le fin mot de l'histoire, un "différend" idéologique qui tourne mal
Les deux prévenus étaient passés devant le local vers minuit pour remettre leur collecte d'autocollants décollés par leur soin, autocollants considérés comme insultants provocateurs, visant les groupes revendicatifs et violents. À cette heure, les choses n'iront pas plus loin.
Deux heures après, les deux hommes rentrent chez après avoir été boire un verre. Ils repassent devant le local et, voyant la lumière, s'arrêtent pour regarder à la fenêtre. Un jeune homme sort et leur adresse des propos véhéments. Très vite, l'altercation dégénère et l'un des deux le frappe de coups de poings et l'envoie au sol, puis continue de le frapper à coups de pied. La scène a été filmée intégralement par la vidéo-protection de la rue. Les images sont très choquantes, la brutalité s'exprime sans retenue. Les deux copains sont avec deux autres personnes. L'espace de quelques secondes, ils s'acharnent à quatre sur le jeune homme au sol. Un autre homme, plus âgé, sort du local pour lui venir en aide. Échange de coups à nouveau. Un femme sort également avec un marteau dont elle ne fera pas usage. C'est dire le niveau de tension. Le jeune à terre s'est relevé et est parti chercher un barreau de chaises pour menacer ses agresseurs et le faire fuir, ce qu'il font, l'un d'eux avec un salut nazi. « Je ne suis pas d'extrême droite, je ne suis pas fascho, je n'ai rien à voir avec tout ça. Mais c'est vrai que c'est énervant de toujours entendre ce genre d'insultes » répond-il à la juge qui les interroge sur leurs convictions politiques. L'autre dira simplement, qu'il est patriote, qu'il aime son pays, sans parvenir à expliquer son geste (il a rejoint son copain pour frapper la victime au sol...).
Dans le box des accusés, les deux hommes expriment des regrets. Ils semblent sincères. Ils disent ne pas se reconnaitre dans ce qu'ils ont fait. « Je ne me suis pas rendu compte de ce que je faisais, je ne pensais pas avoir été aussi violent » dira le déclencheur de cette violence débridée après le visionnage accablant de la vidéo. Pourtant, il a pris le temps de se filmer avec son portable en train de tabasser le jeune homme. Il a envoyé la vidéo à quelques amis, vidéo qui s'est retrouvée, malencontreusement ou pas, sur le fil Télégram du groupe Ouest Casual, fil Télégram au contenu particulièrement explicite : « 14/04/2024 Mâcon - Suite à la publication d'une vidéo provocante sur les réseaux sociaux, 4 Mâconnais décident de rendre visite aux antifas devant leur local, à mains nues » peut-on lire sous la vidéo qui montre la victime au sol assaillie. Le message continue sur ces mots : « Une dizaine d'afas sont présents bien outillés. Pas de bol, ils finiront avec 3 mecs à terre. » La conclusion est troublante : « Mâcon, c'est l'Allemagne ! » En dessous, deux photos côte à côte pour faire un avant/après. L'avant : un autocollant Groupe antifasciste Mâcon et environs, avec le slogan juste en dessous "Pas de quartier pour les fachos" ; l'après : une capture de la vidéo montrant la victime au sol se protégeant la tête.
Maître Charret, avocate des prévenus, apporte une précision utile à la perception de l'extrême tension qui règne entre ces groupes aux idéologies politiques diamétralement opposées : « le 23 juillet dernier, à l'issue d'une manifestation, la victime d'aujourd'hui les poursuit et leurs lance des bouteilles en verre, au risque de les blesser. »
En somme, ce 14 avril, il s'agit d'un règlement de compte.
Mais un peu plus loin sur Télégram, autre post, autre lieu, autre mobilisation du groupe Ouest Casual, rien à voir avec les actes commis le 14 à Mâcon, mais révélateur d'un état d'esprit : « 29/04/2024 Milan - Nous étions plus de 1 500 hier pour rendre hommage à Sergio Ramelli, jeune militant fasciste de 18 ans assassiné par la racaille communiste en 1975. » C'est sans ambiguïté...
Ces posts ne sont pas présentés lors de l'audience, mais nous les évoquons car, en effet, ils montrent l'état d'esprit du groupe qui a relayé la rixe du 14 avril.
Dans ses réquisitions, la procureure parlera de la haine qui s'est exprimée cette nuit-là et l'inquiétude qu'elle inspire. Ajoutons que ces actes ont été commis sans état d'ivresse.
Pour aggraver son cas, le déclencheur de la bagarre est là aussi pour répondre des chefs de port prohibé d'arme de catégorie B et de port sans motif légitime d'arme blanche le 24 décembre à Mâcon. Il est interpellé par la police alors qu'il est au volant de sa voiture, alcoolisé cette fois-là...
Verdict - Le déclencheur de la rixe écope de deux ans de prison ferme avec mandat de dépôt. Même si c'est la première fois qu'il commet de tels actes, une arme chargée a été retrouvée dans sa voiture, ainsi qu'un poing américain trois mois et demi avant. « C'était simplement pour l'emmener chez mes parents car ma femme ne souhaite pas que je garde ces armes à la maison. » Un peu léger pour le tribunal, surtout un 24 décembre...
Son acolyte, bien qu'en récidive légale (condamné en 2018 à trois mois avec sursis pour violence conjugale), prend 12 mois avec bracelet électronique. Sa participation à ce règlement de compte n'est pas de première intention. Par ailleurs, sa situation familiale et professionnelle stables ont largement plaidé en sa faveur. Il a deux enfants, il est technicien de maintenance en CDI à l'hôpital. Sa compagne est présente à l'audience, elle travaille également.
Ils ont également interdiction d'entrer en contact avec la victime, de quelque manière que ce soit.
Rodolphe Bretin
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