Pierre Boucaud, récemment nommé délégué départemental de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD) est, avec Yoann Brossard, Secrétaire Général de l’ADMD, l’initiateur de cette réunion table ronde publique « qui traite d'un sujet de société au cœur de l'actualité politique en France. Depuis des années, une majorité de Français réclament que notre pays se dote d'une juridiction relative à la liberté de fin de vie. Il était prévu qu'un projet de loi soit examiné à l'Assemblée nationale en 2024. Mais dissolution et changements de gouvernement ont enterré tous les espoirs. Et aujourd'hui les propos du Premier ministre ne rassurent pas celles et ceux qui tiennent à cette avancée sociétale. Il n’est pas question de scinder le texte sur la fin de vie ! Soins palliatifs et aide active à mourir sont les deux volets d’une réponse fraternelle à la fin de vie. »
Ce dossier, extrêmement clivant et d’une actualité brulante, nous concerne tous. Son caractère ontologique transcende toutes les approches (métaphysique, philosophique, religieuse, politique, humaniste etc.). C’est pourquoi il faut saluer cette intrépide et généreuse initiative de l’ADMD de réunir sur la même table, les représentants de tous ''les camps'', de toutes les sensibilités.
Les participants, Jean-Louis Touraine, professeur émérite de médecine, député honoraire, Pascale Seynaeve, chef de service de l’Équipe Mobile de Soins Palliatifs et de l’Unité de Soins Palliatifs au CH Mâcon, Benjamin Dirx, député de la 1ère circonscription de Saône-et-Loire, ont présenté, devant plus de 150 personnes leur vision, leur position, leur cheminement sur ce si difficile (et complexe) dossier.
Pour Jean Louis Touraine, l'ancien député : « le médecin, depuis l'Antiquité, a vocation d'accompagner son malade jusqu'au dernier souffle. On a commencé à donner des doses plus importantes à ces patients en fin de vie. Pourquoi continuer à leur infliger des souffrances, pour les garder en vie encore un jour ou deux ?… Et la mort fait partie de la vie », précise-t-il. « Acceptons cette loi de la nature qui fait de nous des êtres mortels. » Et de conclure, « ce n'est pas le médecin qui donnera la mort, c'est la maladie. »
Pascale Seynaeve, avec l’inébranlable douceur dans la voix, s’inscrit en opposition à cette démarche vers « l’euthanasie/l’aide active à mourir » : « Nous soignants, ne voulons pas avoir à décider de qui doit vivre et de qui peut mourir », « donner la mort, n’est pas un soin », et de plaider pour un accès général sur tout le territoire à des soins palliatifs de qualité, par des soignants formés…. Le serment d’Hippocrate (Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. » Le serment d'Hippocrate, revu par l'ordre des médecins en 2012, vint alors planer en surplomb de ces réflexions, et transparaitre dans tous les esprits…
Beaucoup de soignants étaient présents, dans l’assistance, et l’on compris alors qu’entre ces deux lignes de débat, le fossé était profond, presque infranchissable.
Benjamin Dirx tenta l’impossible réconciliation ''en même temps'', en disant clairement que « le vote de la loi de fin de vie ne doit pas dépendre des options partisanes, mais plutôt de la prise de conscience, dans sa fonction de parlementaire, d’écoute et d’échange avec les citoyens d’un sujet qui nécessite beaucoup de réflexions et qui devra être voté avec la main qui tremble. »
Yoann Brossard de l’ADMD, devant le débat avec la salle qui campait sur ces grands clivages, et prenait une tournure exacerbée, tranchée, tenta la synthèse : « le principal objectif de l’ADMD demeure que chacun puisse, à sa stricte demande, bénéficier d’une mort consentie, sereine et digne ; la dignité étant une convenance envers soi dont chacun est seul juge. Cette demande d’aide à mourir doit être évidemment libre, consciente, réitérée et révocable à tout moment, parce qu’il s’agit d’une liberté dont chacun usera ou n’usera pas… Nous ne sommes pas des partisans de l’euthanasie, nous sommes des partisans du libre choix ! »
J.-Y.Beaudot