Lieu d’échanges et de communication entre la juridiction et la cité, il s'est tenu ce lundi après-midi à l'initiative de la présidente du tribunal Marion Goddier et de la procureure de la République Anne-Lise Furstoss pour faire découvrir les arcanes de la justice en cette journée internationale pour l'élimination de la violence faite aux femmes.
Lors d’une dispute, Monsieur a frappé Madame, la blessant au visage. Les voisins entendent des cris et appellent la police, qui vient. Monsieur n’est plus là mais par sa description, les policiers le retrouvent facilement dans la rue alors qu’il sort de sa voiture. Scène malheureusement banale de… violence conjugale. Madame est entendue le lendemain, Monsieur est déferré devant Mme la procureure de la République, qui saisit le juge des libertés et de la détention pour placement en détention provisoire, dans l’attente de son jugement. Tel est le quotidien des juges du parquet et du siège.
En cette journée internationale pour l’élimination de la violence faite aux femmes, le tribunal judiciaire de Mâcon a reçu élus et autorités afin de présenter les maillons de la chaine judiciaire qui interviennent dans le signalement et le jugement des violences conjugales dans le cadre plus large des violences intra-familiales (VIF). Chaque tribunal est tenu, depuis novembre 2021, d’avoir un pôle VIF avec au moins un magistrat du siège et un magistrat du parquet. C’est évidemment le cas du tribunal de Mâcon, qui dispose de quatre magistrats du parquet, d’une attachée de justice qui s’occupe des procédures et d'une chargée de mission VIF.
« Les VIF, si elles procèdent du pénal, touchent à la vie intime et donc mobilisent aussi le juge des enfants et le juge des affaires familiales. Nous sommes donc toutes et tous reliés les uns aux autres dans ce pôle VIF, où tout est centralisé » expliquait Anne-Lise Furstoss, procureure de la République, justifiant ensuite ce conseil de juridiction qui réunissait le préfet, le maire de Mâcon et son adjoint à la sécurité, deux sénateurs et une sénatrice, police et gendarmerie, le directeur de l’hôpital et la directrice de la gériatrie et des soins de suite, le président du Conseil départemental, le président de l’association des maires ruraux, des avocates, la présidente de l’association France victimes ainsi qu’un représentant de l’Education nationale : « C’est une cause nationale et nous sommes tous acteurs de cette politique de prise en charge, d’où l’idée de vous faire découvrir à toutes et tous les coulisses du tribunal. »
Le juges ont insisté sur l’importance de l’accompagnement des victimes et du suivi des auteurs de faits. Les magistrats s’appuient sur les associations d’aide aux victimes, qui jouent un rôle fondamental, notamment dans les classements sans suite, ce qui ne signifie pas qu’il n’y a pas de reconnaissance de la souffrance, mais simplement un manque de preuves.
Le suivi des auteurs est assuré par les services pénitentiaires d’insertion et de probation (qui rendent compte au juge d'application des peines. La JAP de la juridiction de Mâcon suit actuellement 250 auteurs de violences intra-familiales sur un total de 790 personnes suivies. Parmi les 250, deux sont des femmes), sachant que dans la grande majorité des cas, les condamnés écopent de peines accompagnées de sursis probatoire.
Tout commence au parquet
Le parquet, ce sont les magistrats (procureur, vice-procureur, substitut du procureur) qui requièrent les peines au nom du ministère public. Mais c’est aussi par eux que tout commence. C’est au parquet que tout arrive. Celui de Mâcon reçoit jusqu’à 80 mails par jour, de signalements de VIF émanant de la police, de la gendarmerie ou d’autres institutions comme l’Education nationale. Il faut également répondre au téléphone et suivre les enquêtes. S’ils sont quatre la semaine, l’effectif se réduit à un magistrat le week-end, pour autant de sollicitations… En bout de course, une décision est prise selon la gravité de l’infraction, pouvant aller jusqu’à la comparution immédiate dans les faits de violences les plus graves.
Pour les victimes, le juge des affaires familiales peut délivrer une ordonnance de protection qui permet d’obtenir en urgence des mesures de protectrices comme l’interdiction de contact avec la victime, l’interdiction de fréquenter certains lieux et des mesures sur la résidence des enfants. Cela peut s’accompagner d’outils de protection de la victimes que sont le téléphone grave danger (attribué par le procureur après évaluation du danger par France victimes) ou le bracelet anti-rapprochement. 18 TGD ont été attribués sur la juridiction de Mâcon depuis le début de l’année et 3 BAR.
Une future unité médico-judiciaire à l’hôpital de Mâcon
Cette unité fonctionnera avec un médecin légiste qui établira les certificats médicaux et délivrera les interruptions temporaires de travail. « Aujourd’hui, ce sont les médecins généralistes et les médecins des services d’urgence qui établissent ces documents. Pour rendre rendre une décision de justice, il vaut mieux que ce soit un légiste » a confié la procureure. Cette unité devrait voir le jour dans l’année 2025.
Rodolphe Bretin
Au centre, Mario Goddier
Anne-Lise Furstoss
Le téléphone grave danger, un smartphone comme un autre