Yves Séguy, préfet, a réuni mercredi matin les directeurs et directrices de magasins de la grande distribution (Auchan, E.Leclerc, Carrefour, Super U, Intermarché) et les représentants des syndicats agricoles FDSEA, JA, Confédération paysanne, Coordination rurale, pour faire le point sur ce qui ne va pas dans la loi EGAlim...
...loi qui régit les relations commerciales dans le secteur agricole et le secteur alimentaire. Une réunion qui fait suite au mouvement des agriculteurs, pour la plupart non rémunérés par leur travail mais par des subventions, européennes notamment (PAC - Politique agricole commune), les coûts de production n'étant pas couverts par la seule vente des bêtes. « Nous sommes bien la seule profession qui vend à perte » déplorait la représentante de la Coordination rurale en réponse à une intervention du directeur de la Banque de France.
Pour les agriculteurs, et les éleveurs en particulier, le problème reste entier après leur mouvement : obtenir une juste rémunération de leur travail par des coûts de production qui soient au moins couverts. « Fixez vos prix en fonction de vos coûts de production et on s'adaptera » encourageait un des responsables de magasin, basé à Prissé.
Autour de la table, que des gens de bonnes volontés qui font bien leur travail, des directeurs qui contractualisent avec des éleveurs locaux. « Certes. Et pourtant ça ne va pas », réagissait Christian Bajard, président de la FDSEA. « C'est bien joli ce genre de réunion où on nous dit que tout va bien, que tout le monde travaille dans le bon sens, mais on nous a déjà servi ce discours il y a deux ans et les choses n'ont pas changé. Le marché c'est le marché ! Voilà ce qu'on nous répond le plus souvent. Et dans le laps de temps, les agriculteurs se meurent. Oui, nous vivons de subventions, mais on veut qu'il en soit autrement, que les choses soient plus équilibrées. Nous n'y arriverons pas sans subventions, mais nous n'y arriverons pas non plus sans être rémunérés à la juste valeur de notre travail. Il faut changer de paradigme, arrêter de dire que tout va bien, on veut des actes, des contrats tripartites qui garantissent les prix. »
« Une crise qui dure 50 ans, ce n'est pas une crise, c'est un système » avançait à sont tour Cédric Vidal, porte-parole de la Confédération paysanne, estimant qu’il y a des tricheurs.
Après le tour de table qui laissait la parole aux directeurs et P.-D.G. de magasins, les deux principaux obstacles à la juste rémunération des éleveurs étaient pointés : les industriels de l'agro-alimentaire – absents ce mercredi ! – qui font ce qu’ils veulent et « s'en mettent plein les poches » rappelaient au passage le représentant de la confédération paysanne ; la loi EGAlim, qui comporte différentes options, dont une qui n'impose pas la transparence à tous les niveaux et permet à ces industriels de s'engouffrer dans la brèche.
Au final, il est ressorti assez logiquement que c'est aux agriculteurs de fixer leurs prix de vente en fonction de leurs coûts de production.
Mais « la loi ne résoudra pas le problème du revenu » insistait Cédric Vidal. « Il faut interdire la vente à perte et fixer un prix de revient. »
Du côté des Jeunes agriculteurs, leur président Thibaut Renaud, rappelait que le coût de production moyen avait été chiffré par SICAREV avec l'Institut de l'élevage, et validé unanimement en 2017. « C'est de ce coût qu'il faut partir. »
Yves Séguy s'est engagé à faire remonter de manière claire et ferme la teneur de ces échanges matinaux. « Sachez également que cette réunion n'est pas une fin en soi. Nous allons nous revoir. » Il a salué également la bonne tenue des échanges, dans le respect de chacun.
Quoi qu'il en soit, si les choses ne changent pas, la Confédération paysanne a prévenu : « Si ça ne change pas, on va se mettre ensemble avec les différents syndicats pour faire repartir le mouvement, et on sera beaucoup moins gentils... » A bon entendeur.
Rodolphe Bretin
Présence également de Bernard Lacour, président de la Chambre d'agriculture : « Il est nécessaire de clarifier les relations commerciales »
Christian Bajard, président de la FDSEA
« Je suis installé depuis 14 ans et au RSA pendant 10 ans. Comment voulez-vous que je donne envie à mes enfants de faire mon métier. » Cédric Vidal, porte parole de la Confédération paysanne.