A l'occasion des 120 ans de laïcité, 120 ans de liberté, l’association Agir pour la laïcité et les valeurs républicaines, que préside Éric Binet, organisait jeudi soir, la ciné-conférence Au nom de mon frère, les derniers jours de Samuel Paty.

Après la projection, Jean Pierre Sakoun, Président d'Unité Laïque (il a été à l'initiative du projet de panthéonisation de Missak MANOUCHIAN), et Aline Girard, secrétaire générale de Unité laïque, ont présenté le très poignant documentaire produit par C8 et animé le débat.

50 personnes ont assisté à cette rencontre « effroyable » en images, des 11 derniers jours de la vie de Samuel Paty. La sœur du professeur assassiné le 16 octobre 2020 par un islamiste témoigne dans ce film, qui reprend son livre, sur les failles ayant conduit à la barbarie. Le film déroule pas à pas la séquence introduite par un cours de Samuel Paty sur les caricatures de Mahomet par Charlie Hebdo. Pas à pas, aussi, ce fil que remonte Au nom de mon frère, revenant en longueur sur chaque détails qui a conduit au drame, et que l’issue de l’histoire transformera en dysfonctionnements coupables des autorités, scolaires comme policières. Fidèle à la promesse de son titre, Au nom de mon frère, les derniers jours de Samuel Paty, Mickaelle Paty nous ouvre un sidéral champ de réflexion, un combat républicain et laïc contre l’oubli et pour la liberté. « La sidération passée, il ne me reste plus que de la douleur et des questions », dit-elle. Se trouvent ainsi pointer du doigt les responsabilités de chacun et les nombreux dysfonctionnements qui ont conduit à l'assassinat de cet enseignant.

Jean-Pierre Sakoun, président d’Unité Laïque, au cours des échanges, donne sa lecture en dressant un portrait-tableau saisissant de la victime et de ses assassins, débordant avec une sage intelligence aux tensions de notre société, puis au sens même de notre vie citoyenne : « Samuel Paty n’était ni un militant ni un provocateur. Il n’était pas un héros de roman, ni un martyr choisi. Il était un professeur, un de ces milliers d’hommes et de femmes qui, chaque jour, font vivre la République dans les salles de classe. Un professeur qui croyait en la raison, en la discussion, en la liberté du jugement. Un professeur qui croyait que les images de Charlie Hebdo, comme les textes de Voltaire, appartiennent à notre patrimoine intellectuel commun et que les montrer, les expliquer, les discuter, c’est exercer la mission la plus sacrée de l’école : former des esprits libres. Son assassin, lui, croyait que la foi devait dicter la loi. Et derrière lui, il y avait cette idéologie, l’islamisme, qui prétend soumettre la société tout entière à une norme religieuse. C’est cette idéologie, l’ennemie absolue de la laïcité, qui a tué Samuel Paty. Et c’est cette idéologie que nous devons, sans trembler, combattre de toutes nos forces. »

Dans le débat alourdi par la terrifiante vérité recherchée sur les 11 derniers jours de Samuel Paty, s’impose une ligne de réflexion : « ce soir, au-delà du chagrin et du souvenir, il faut redire clairement ce qui est en jeu : c’est l’école de la République. C’est la formation du citoyen libre. C’est la promesse d’émancipation qui fonde notre contrat social et construit le peuple français. La laïcité n’est pas une opinion parmi d’autres. Elle est la condition de toutes les opinions.

Les conclusions de cette soirée, en immersion dans les valeurs républicaines, c’est Jean-Pierre Sakoun qui les délivra, comme message d’espérance et d’hommage : « Il est temps que la République redevienne offensive. Offensive dans ses mots : qu’on cesse de travestir la laïcité en simple « neutralité », la liberté d’expression en « provocation », ou l’universalisme en « domination ». Offensive dans ses actes : qu’on protège réellement les enseignants, qu’on soutienne les chefs d’établissement, qu’on rende aux premiers le rang symbolique et le respect absolu que nous leur devons, y compris en les payant correctement et en exigeant d’eux qu’ils redeviennent les hussards noirs de la République. L’école n’est pas un espace neutre. Elle est un lieu de transmission, de raison, de construction de l’esprit critique. Elle ne vise pas à refléter la société telle qu’elle est, mais à la transformer. Elle n’est pas un guichet de toutes les croyances : elle est le sanctuaire où l’on apprend à penser par soi-même. C’est pourquoi défendre l’école, c’est défendre la République tout entière. Et c’est pourquoi défendre Samuel Paty, c’est défendre la liberté de tous les professeurs, de tous les élèves, de tous les citoyens. Que vive Samuel Paty, que vive la laïcité garante de notre liberté. Que vive la République. »

 

J.-Y. Beaudot

 

Jean-Pierre Sakoun, président d’Unité Laïque, Aline Girard, secrétaire générale de Unité laïque, Eric Binet, président de Agir pour la laïcité et les valeurs de la République, Françoise Ris, présidente de la MJC, et Jean-Marc Dumas, secrétaire de l'association