Ils faisaient leurs achats à l'aide de "kits", chéquiers et pièces d'identité volés.
Un assortiment d’escrocs : les 3 prévenus sont aussi différents qu’on peut l’être, non seulement physiquement, mais aussi dans leurs parcours respectifs, et pourtant unis par leurs activités délictueuses, et aussi par une relation paisible entre eux, pour ce qu’on en observe : chacun est à sa place, personne ne cherche à charger l’autre.
Calmes, polis, voire policés, ils sont chacun amenés des centre pénitentiaires où ils sont détenus provisoirement depuis un an environ.
Audric, 29 ans, sommelier, grand, barbu, et Hristyan, Bulgare, garde forestier, petit et râblé, 28 ans, sont arrêtés en février 2014 à Tournus accusés d’avoir mené différentes escroqueries dans la Nièvre, en Saône et Loire et en Alsace durant 2 mois et demi avec l’aide d’un troisième. Thierry est parisien, noir, coupe de cheveux lookée, il a 43 ans et ne les fait pas. Il a un bac + 2, et comparait en état de récidive légale, puisque condamné en 2012 pour des faits similaires. Pour être complet il faut préciser qu’Audric est sous contrôle judiciaire pour une autre affaire d’escroquerie dont l’instruction est en cours à Chalon sur Saône. Hristyan, lui, a été condamné en 2013 pour skimming (piratage de cartes bancaires aux automates de distribution).
Aussi sympathiques soient-ils, ils sont tous récidivistes et d’ailleurs se sont connus en prison, à Dijon, et s’étaient promis de se voir à la sortie, dont acte. Thierry, via des contacts en région parisienne, achète deux « kits » à un anonyme « Kiki », pour 400 €. Chaque kit est constitué d’un chéquier complet et de deux pièces d’identité, authentiques et volés. Et c’est ainsi qu’ils vont faire de multiples achats, en particulier « high tech » pour la revente, comme des téléviseurs dernier cri. Audric, qui s’exprime bien, téléphonait pour réserver ou commander les articles puis ils passaient les prendre, laissant des chèques au nom d’un autre, ou d’une autre, mais avec les papiers d’identités requis. Hristyan faisait le chauffeur : ses deux copains n’ont pas le permis de conduire. 16 enseignes victimes, 5 parties civiles.
Les avocats ont beau jeu de vouloir démontrer que ce ne sont pas là les escrocs du siècle, intelligents, c’est certain, mais pas suffisamment pour ne pas, par exemple, payer de sa poche et avec une CB personnelle la location d’un véhicule ; ou encore essayer d’établir que si Hristyan est là, dans le box, c’est un tout petit peu de la faute de la justice française qui lui fait perdre son temps en prison au lieu de le laisser travailler à indemniser les victimes, le tribunal rend des verdicts quasiment à la hauteur des réquisitions.
30 mois de prison ferme pour Thierry, 24 mois pour Audric, et 18 mois pour Hristyan. Les trois sont bien sûr maintenus en détention. Ils ont tous, disent-ils, soif de faire « des trucs que font les gens normaux », comme travailler, par exemple, et fonder une famille, pour l’un d’eux, mais il leur faudra solidairement indemniser les parties civiles : les peines s’annoncent longues.
Florence Saint-Arroman