Le Parlement des enfants, créé en 1994, en partenariat avec le ministère de l’Éducation Nationale, permet à des enfants de CM2 de participer au système démocratique français.

Il prévoit que, chaque année, 577 enfants se réunissent au Palais Bourbon (après avoir déposé leur candidature) et se prononcent par un vote solennel en faveur de 3 propositions de loi qu'ils jugent les meilleures. La proposition de loi élue en tête est usuellement reprise par le député de la circonscription concernée qui la dépose en son nom personnel sur le Bureau de l'Assemblée nationale et qui peut éventuellement être examinée comme un texte normal. L’école Henri Matisse, en lice pour le Parlement des enfants, accueillait donc, ce vendredi matin 3 février, Benjamin Dirx, le député de la circonscription.

Adeline Petit, la directrice de l’école, ouvrait chaleureusement son bel établissement à cet évènement important pour les enfants. Elle était accompagnée de Corentin Memet, conseiller pédagogique et de Jérôme François inspecteur de l’éducation nationale. Jean Payebien, le maire délégué de Flacé, avait tenu à faire le déplacement « Je suis heureux de cet instant à passer auprès de notre député, des enfants, de leurs maîtres, dans ma belle école de Flacé … ».

À l’arrivée du parlementaire, nous pénétrons dans la classe CM1-2 de Bruno Rabier, remarquable professeur des écoles, qui, au milieu de ses élèves, tel un peintre au cœur de sa toile, allait, avec ses enfants, nous emmener tous dans un surprenant voyage au pays de la démocratie, de son expression et de son usage. Nous comprenions vite que Bruno Rabier, avec sa classe, s’était attaché à un sujet des plus ardus : « Comment faire pour redonner confiance dans nos institutions démocratiques, faire participer d’avantage et vivifier la vie démocratique ? »

C’est alors que le professeur, avec une touchante humilité et une extrême qualité pédagogique, allait dévoiler l’immense travail qu’il avait accompli avec sa classe pour mettre en lumière une proposition de loi répondant au défi. La magie de Bruno Rabier c’est de nous faire voyager dans l’histoire puisque c’est de la démocratie originelle, celle d’Athènes, que le voyage débuta. Les enfants, tous très affûtés, interviennent un à un, « LEcclésia est, à Athènes, lassemblée des citoyens ; Elle vote les lois, le budget, la paix ou la guerre, l’ostracisme. Elle tire au sort les bouleutes (présidents du conseil), les héliaques (membres des tribunaux), les 10 archontes (magistrats qui dirigent la république) et élit les dix stratèges… »

Sur ces solides bases la démocratie se met en marche et, par les saynètes entre les enfants, les limites du système sont mises en avant : absence des femmes, seulement 1/6 du peuple, aspects élitaires… Puis les comparatifs entre la démocratie athénienne et les institutions d’aujourd’hui, sont mis en scène par les enfants, au passage des réflexions de valeur sont esquissées : « Voter pour une loi plutôt que pour les personnes, créer un forum, un forum de citoyens, traiter les problèmes du quotidien par qui, des experts, des élus ? »

Bref ! Autant de thèmes d’actualité brûlante, qui naissent, par enchantement de la bouche des enfants, la belle leçon que nous livrait les élèves mâconnais séduisait visiblement Benjamin Dirx : « Vous avez fait un travail formidable et de grande qualité intellectuelle, pédagogique, et démocratique … mais la démocratie directe celle du forum, ne peut pas s’établir sur tous les sujets, les sujets sociétaux, ceux du domaine humain privé, ressortent plus de cette réflexion citoyenne directe, la vie politique met en interdépendance beaucoup de sujets qui ne peuvent, ni doivent, être examinés que par les experts les sachants… »

Avec, un grand calme, un sens aigu de l’écoute des enfants, et une grande connaissance de notre vie représentative publique, le député se transforma alors en professeur des écoles, et s’attacha à baliser notre système démocratique : « Il y a les élections, mais il y a aussi les référendums, les conférences citoyennes, le conseil national de la refondation et le parlement des enfants… » mettant positivement à la portée des enfants toutes les évolutions récentes dans l’exercice de la démocratie représentative et les nombreux épisodes démocratiques dans lesquels tout un chacun peut trouver moyen de s’investir.

Relançant l’échange, le jeune inspecteur de l’éducation nationale confirma l’ambiance : « Vous avez fait un très beau travail de citoyens, vous acceptez la démocratie et ses règles dont celle de la majorité. Mais gouverner c’est prévoir… Nos élus sont garants de la loi… Le gouvernements des experts c’est la technocratie… Quid alors des élus ?… » Benjamin Dirx affirma en crédo : « Je plaide pour un équilibre entre les experts et les élus, c’est un équilibre de rôles différents mais interdépendants… où irait la politique de la santé si elle n’était confiée qu’aux médecins ? … Les problèmes comme les solutions sont profondément liés… »

Comme en reconnaissance de la difficulté de l’action politique, le député cita avec aisance Jaurès : « L’histoire enseigne aux hommes la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements, mais elle justifie l’invincible espoir. »

Benjamin Dirx avait rompu la glace et les amarres de l’autorité, les enfants s’adressaient à lui avec respect, mais comme à un citoyen ordinaire : « Ma maman m’a chargé de vous dire ses amitiés… mon papa vous connait et vous avez joué au basket avec lui… » L’ambiance captivante glissa alors vers le toujours très attendu jeu, des questions-réponses. Alors, tout y passa, les enfants démontraient une curiosité presque sans limites : le trajet de la loi, le suppléant, l’assistant parlementaire, les boutons pour voter l’AN, l’emploi du temps d’un élu, le déroulement du travail, les commissions, et toujours avec la même bienveillante simplicité, sans rien esquiver, leur député apporta les réponses.

Le questionnement pris un tour plus inquisiteur, plus intime et privé, et là encore l’élu de la circonscription répondit avec une franchise salutaire : « Oui une fois j’ai appuyé sur le mauvais bouton, c’était à la demande d’un ami empêché, on a pu rectifier le tir à la fin … Oui c’est une mission pas facile, entre Paris et la circonscription, il faut trouver un équilibre… Le député est là pour écouter, pour se renseigner, pour transmettre et orienter… J’avais un autre métier, celui de chef d’entreprise, mais je voulais changer les choses, et notre vie démocratique m’a donné les possibilités de m’engager en politique … J’ai abandonné toute mes activités professionnelles pour me consacrer à mon mandat… Ma grande fierté, c’est d’avoir, pendant l’épisode gilets jaunes, obtenu la baisse de l’impôt sur le revenu des classes moyennes de 14 à 11% … A l’origine, je voulais être prof de sport mais, avec un Master de gestion et un 3ème cycle en relation-formation de la vie publique, mon parcours m’a conduit à la vie politique… Ce n’est pas un métier et je ne considère pas exercer ces missions parlementaires toute ma vie professionnelle… Je devrai donc retourner à la vie active comme tous les autres… J’ai apprécié le pragmatisme nouveau de notre président qui m’a séduit dans mon engagement… Les nouveaux pouvoirs impliquent de nouvelles responsabilités… »

La séquence d’échanges à cœur ouvert allait prendre fin, quand un doigt levé surgit des têtes souriantes : « Monsieur ? Est-ce que vous allez vous représenter encore une fois ? ». Avec le même calme assuré et un sourire rayonnant, l’élu parla en vérité : « Je ne maitrise pas l’avenir, je viens juste d’être élu et il faut laisser le temps accomplir son œuvre… »  Les enfants partagèrent un grand sourire, presque entendu, ils comprenaient bien la vie politique. Mais comme pour mettre fin à ces instants délicieux, ils courraient, avant la photo de famille, vers la cour de récréation !  

Jean-Yves Beaudot