Mâconnais

Un couple russe était jugé en comparution immédiate vendredi après-midi pour des faits commis le 27 juillet sur l’aire de la Ferté à Saint-Ambreuil et sur l’A6, au niveau de Crêches-sur-Saône…

Jusqu’où serait-il aller si les gendarmes du peloton motorisé de Charnay ne les avaient pas stoppés ce mercredi après-midi ? On ne le saura jamais tant les versions données lors de leur interpellation, leur garde à vue et l’audience diffèrent… Ce qui est sûr en revanche c’est que les forces de l’ordre, au péril de leur vie, ont évité un véritable drame mercredi, sur une autoroute au trafic dense avec les vacances… Une autoroute sur laquelle ces « Bonnie and Clyde » russe ont pris tous les risques pour échapper aux gendarmes.

Si la comparaison peut paraître exagérée, la virée irresponsable et dangereuse des amoureux russes et d’une femme prête à suivre son mari partout aurait pu être aussi criminelle… Retour sur les faits…

Le mercredi 27 juillet, à 16 h 20, le gérant de la station-service BP, située sur l’aire de la Ferté, à Saint-Ambreuil, prévient les forces de l’ordre que le conducteur d’une Audi vient de prendre de l’essence sans payer. Grâce à la vidéo-surveillance, le véhicule en question est rapidement repéré et signalé. Le peloton motorisé de Charnay, en poste à ce moment-là sur l’A6, voit passer l’Audi à 16 h 40. Les gendarmes vont alors partir à sa poursuite et font signe au conducteur de s’arrêter. Si celui-ci commence par ralentir, il repart de plus belle ensuite, et il va faire ça pendant plusieurs kilomètres obligeant les gendarmes à se déporter pour éviter la collision, entre freinage et accélération.

 

Demi-tour sur l'autoroute et 1,5 km à contre-sens

Le véhicule va finir par stopper sa course… non pas pour s’arrêter, mais pour faire demi-tour et repartir dans l’autre sens ! Face au trafic et aux nombreuses voitures circulant en direction du Sud, en cette période de vacances ! Et ça va durer pendant 1,5 km… Si le pire a été évité, c’est grâce au travail et à la prise de risque énorme des gendarmes qui, tout feu et sirène allumés, ont remonté l’autoroute sur la bande d’arrêt d’urgence pour avertir les automobilistes…

Après 1,5 km de chevauchée, le conducteur s’arrête au milieu de l’autoroute. Et prend la fuite, à pied, avec sa passagère, sur le terre-plein qui sépare les deux voies de circulation. En prenant là encore beaucoup de risque, les gendarmes partent à leur poursuite et parviennent à les immobiliser, non sans mal. Si le dépistage aux stupéfiants est négatif pour tous les deux, le conducteur est en revanche bien alcoolisé – « J’avais bu 2-3 bières et une bouteille de vin dans la journée parce que j’étais stressé », reconnaît-il à la barre ce mercredi – Il refuse pourtant de se souffler dans l’éthylomètre – « Ça se voyait que j’avais bu, il n’y avait pas besoin de vérifier ! ».

À 17 h 05, les gendarmes apprennent que le véhicule des fuyards avait été volé  (vol avec violence) deux jours plus tôt en Pologne. La Pologne, le pays où ces deux ressortissants russes avaient trouvé refuge en février dernier après avoir fui la Crimée où l’homme, adhérent d’une structure d’opposition à Poutine, se sentait menacé : « J’avais une clé USB avec des données filmées avec un drone montrant des scènes de torture dans une prison russe. » Et ce 25 juillet, alors qu’il est au bord d’un plan d’eau avec sa femme, l’accusé avance avoir été retrouvé par les services russes et subit des menaces de leur part. Il aurait alors dit à sa compagne de fuir en vélo et lui serait allé chercher un véhicule pour partir au plus vite et loin. Un emprunt auprès d’un collègue, de son patron selon ses versions différentes, puisqu’il aurait rendu la voiture une fois son périple achevé. De la même façon, il serait revenu régler le plein d’essence à la station-service plus tard… Et ce alors même qu’il avoue devant le tribunal n’avoir en poche que quelques zlotys, l’équivalent de 6 €.

Sur leur destination la France, le couple teint là encore plusieurs versions : elle dit qu’ils étaient de passage pour visiter le pays avant d’aller à la plage en Espagne, il explique vouloir se rendre à Lyon au plus vite parce que les demandes d’asile sont traitées plus rapidement dans cette ville, qu’il souhaite que sa femme (qui serait enceinte de trois mois) y accouche et être en sécurité loin de la Pologne et de la Russie en tant que réfugiés politiques.

 

"Un couple en symbiose totale !"

Devant la cour, l’homme reconnaitra tous les chefs d’accusation (vol, recel de vol, conduite d’un véhicule en état d’ivresse, refus de se soumettre aux vérifications tendant à établir l’état alcoolique et d’obtempérer). Il présentera même ses excuses aux forces de l’ordre pour son comportement et la mise en danger. « Grâce à Dieu, il n’est rien arrivé… »

« Grâce au sang-froid et au courage des gendarmes plutôt, rétorque la présidente, Séverine Desgranges. Des forces de l’ordre qui ont pleinement rempli leur mission de protection de la population pour stopper le comportement dangereux et irresponsable du couple sur la route, et inapproprié lors de leur interpellation et de leur garde à vue où ils ont mobilisé un certain nombre d’agents, insiste le Ministère public lors de ses réquisitions. Aujourd’hui, il ne s’agit pas de nier les difficultés qu’ils ont rencontrées en Pologne et en Russie compte tenu de leur statut, mais réfugiés politiques en Pologne, dans un pays qui les aide, ils volent une voiture avec violence ! Et ils veulent ensuite obtenir ce statut en France, là même où ils viennent de commettre cinq infractions ?  »

Face à leur incapacité à se remettre en cause, aux faits graves commis et au fait qu’il n’y ait aucune garantie d’insertion en France, le parquet requiert quatorze mois de prison ferme pour lui, six mois ferme pour elle. « On a ici un couple en symbiose totale ! Madame est prête à le suivre partout quels que soient les moyens et faits commis. »

Après délibération, tous les deux ont été reconnus coupables de l’ensemble des chefs d’accusation et condamnés : à six mois de prison assortis du sursis pour madame, à douze mois fermes avec mandat de dépôt pour monsieur.

D. C.