Ce mardi, la Ville de Mâcon a commémoré la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions au Musée des Ursulines en présence du préfet de Saône et Loire Julien Charles, du maire de Mâcon Jean-Patrick Courtois, d'Éric Maréchal adjoint au maire en charge des relations avec les associations patriotiques et de quelques membres du conseil municipal.

Depuis 2006, chaque 10 mai, la journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions donne lieu à une cérémonie officielle. Cette date a été choisie en référence au 10 mai 2001, jour de l'adoption en dernière lecture par le Sénat de la loi reconnaissant la traite et l'esclavage comme crime contre l'humanité.

La cérémonie a débuté par la lecture d'un extrait de l'intervention d'Alphonse de Lamartine à la Chambre des députés.

L’abolition de l’esclavage fait partie des grands combats menés par Alphonse de Lamartine.

Le 27 avril 1848, à la demande de Victor Schœlcher, un décret met fin à l’esclavage dans les colonies françaises. Lamartine est alors président du gouvernement provisoire.

Mais son combat en faveur de l’abolition a commencé bien avant, dès 1835. Député depuis moins de deux ans, Lamartine prend la parole dans l’hémicycle, à la Chambre des députés. Voici un extrait de son intervention du 22 avril 1835 :

« L'homme ne peut être acheté. Il ne peut même se vendre lui-même car la dignité humaine ne lui appartient pas. Elle appartient à l'humanité tout entière...

L'état actuel de l'esclavage dans nos colonies admet cette vente des enfants par le père et par la mère, des enfants nés et à naître !

Quelle mère peut voir, sans que son cœur soit refoulé en elle, sourire son enfant destiné à lui être arraché pour l'esclavage ?

Quelle mère, si elle a une pensée humaine, peut sentir sans regret et sans horreur palpiter dans son sein un être vendu d’avance au fouet des blancs ?

Ils ne peuvent, dit-on, supporter la liberté, c'est une race imparfaite qu'il faut élever à l'humanité par la servitude ? Monstrueux prétexte de la barbarie de nos lois !

Ils ne peuvent supporter la liberté ? Est-ce que la liberté est plus lourde à porter que l'esclavage ?

Et nous qui parlons, supporterions-nous l'esclavage ?

Cependant, qui de nous osera dire que l'esclavage n'est pas plus difficile à supporter que la liberté ?

C'est ainsi que des législations cupides se font des raisons de leurs vices mêmes !

Non, Messieurs ! Nous ne croirons jamais à ces prétendues nécessités des crimes sociaux...

Donnons au gouvernement tout ce qu'il nous demande, plus que ce qu'il nous demande, à condition qu'il l'emploie à la restauration de la liberté et de la dignité de l'homme ! Il nous trouvera toujours complaisants à ce prix ! »

Le chant des esclaves en créole a précédé la lecture du message officiel par le préfet :

« Nous réunir aujourd’hui autour de cette mémoire, c’est faire œuvre de vérité. Car si la France est le berceau de l’universalisme, si elle est la patrie des droits de l’Homme et du citoyen, il faut aussi reconnaître qu’elle a eu une part active dans le commerce transcontinental des êtres humains. L’Histoire d’un pays n’est jamais une ligne uniforme, elle est faite de circonvolutions, de contradictions douloureuses. Mais la force d’une Nation se mesure aussi à sa capacité à regarder son passé en face, à le surmonter sans l’effacer. Car si nous faisons acte de mémoire ce matin, c’est avant tout pour ne pas oublier que l’esclavage a été, et qu’il existe aujourd’hui encore dans plusieurs pays du monde...

Célébrer l’abolition de l’esclavage, c'est dire le triomphe de l’humanisme et de la liberté sur l’exploitation des hommes par d’autres hommes. Nous rappelons la mémoire de ceux que le président de la République qualifiait de héros de la liberté et qui ont été nombreux. Montesquieu, l’abbé Grégoire, Victor Schoelcher, Olympe de Gouges, Toussaint Louverture, ou bien encore, et surtout en ce lieu, Alphonse de Lamartine.

Je vous remercie monsieur le maire d’avoir pris l’initiative d’organiser cette cérémonie. Elle fait particulièrement sens en Saône-et-Loire, et encore plus à Mâcon où Lamartine est né. Rappelons-le, Lamartine créa et dirigea en 1834 la Société Française pour l’abolition de l’esclavage.

C’est lui qui, président du gouvernement provisoire de la IIème République, signa le décret du 27 avril 1848, rédigé par Victor Schoelcher, qui entérinait enfin l’abolition de l’esclavage.

Je terminerai mon propos en saluant ceux qui servent de boussole à cette mémoire : les enseignants, qui sont des passeurs de vérité et qui font œuvre toute l’année contre l’oubli ; les associations de mémoire, particulièrement actives dans notre département. Je salue en particulier l’action de l’association Mémoire de l’Histoire de l’Abolition de l’Esclavage en Saône-et-Loire. Et enfin tous les anonymes qui œuvrent, ici et ailleurs, à rendre ce monde plus juste et fraternel pour que l’esclavage ne soit plus une réalité. »

Dépôt de gerbes, moment de recueillement et Marseillaise ont ponctué la cérémonie.

M.A.

 

 Photos © M.A.