Il fallait se lever tôt pour voir le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, arrivé sur le coup des 7h30 aux jardins du Vernay à Saint-Maurice-de-Satonnay sur une exploitation maraichère bio. Il s’est transporté ensuite au vinipôle de Davayé pour écouter les doléances de la viticulture et des autres filières. Il a beaucoup été question de résilience face au changement climatique, mais le ministre n'a pas fait de grandes annonces. 

Le maraîchage n’est certainement pas la culture emblématique de la Saône-et-Loire. Pour autant, c’est bien sur une exploitation maraîchère que le ministre, accompagné du Préfet Yves Seguin, avait décidé de se rendre, en accord avec les organisations agricoles.

« C’est notre façon de montrer la diversité agricole du territoire » estimait le président de la chambre d’agriculture, Bernard Lacour « et surtout on ne veut pas opposer les modèles les uns aux autres. »

Les jardins de Vernay ont été créés ex nihilo en 2022 par deux anciens ingénieurs agronomes en région parisienne, des hors cadres familiaux comme on dit vulgairement. (Comprendre : ce n’est pas une transmission parents/enfants). Mais les hors cadres représentent une installation sur deux en Saône-et-Loire désormais, c’est donc loin d’être anecdotique ! Guillaume Morel et Elsa Durand ont créé cette structure pérenne sur seulement un hectare. Tous les fruits et légumes sont vendus en direct à la ferme ou sur les marchés.

Ce matin, lors de la visite du ministre, il a évidemment été question de la gestion du réchauffement climatique. Les agriculteurs ont adapté leurs horaires et tentent de planter des variétés plus méridionales. Ils ont également opté pour les sols bâchés ou paillés, évitant l'usage des herbicides, ainsi que la peinture sur les serres. Ils vont aussi se lancer dans l’agro foresterie et s’apprêtent à planter des arbres fruitiers. Un bel exemple de résilience mais le ministre ne veut pas généraliser. « À chaque exploitation ses solutions »

Si l’été a été moins sec que ce que l’on craignait, la situation est préoccupante pour l’avenir avec les canicules à répétition. « On va devoir travailler sur la sobriété en matière de consommation d'eau, ce qui ne veut pas dire qu’on n’irriguera plus » poursuit le ministre.

Marc Fesneau, malgré une incontestable connaissance du terrain, est venu en Saône-et-Loire les mains vides : pas d’annonces grandiloquentes, pas d’enveloppes supplémentaires, si ce n’est une promesse de soutien à l’agriculture biologique à la peine (victime du recul de la consommation), mais une écoute attentive des doléances paysannes.

Il a néanmoins rappelé que désormais la PAC permet d’aider le maraîchage et notamment les petites exploitations (en surfaces), ce qui n’était pas forcément le cas auparavant, preuve que les curseurs bougent.

À Davayé, les agriculteurs affirment leur volonté de reconnaissance

L’aréopage d’élus et de professionnels s’est ensuite rendu à Davayé, au Pôle viticole sud Bourgogne, site de recherches sur la viticulture et notamment sur les vertus du numérique et autres technologies (drones, robots autonomes, capteurs, exosquelette, etc.).

Les différentes filières ont ensuite tour à tour présenté leurs demandes au ministre, attentif.

Le président de la chambre d’agriculture s’est dit exaspéré par « cette minorité braillarde qui sape le moral des éleveurs bovins » (ce qui n’empêche pas la consommation de viande de remonter légèrement !)

Les éleveurs de volailles ont souligné leurs efforts en matière de bien-être animal avec des investissements coûteux dans des brumisateurs, ventilateurs. « Et nous sommes moins aidés qu’avant » regrettent les responsables de la CPASL (Coopérative de Production Avicole de Saône et Loire). Pourtant, il y a du potentiel, la filière n’arrive pas à répondre à la demande des consommateurs français et les importations ne cessent de progresser.

Les éleveurs ont mis en avant l’héritage des haies bocagères mais celles-ci souffrent aussi de la sécheresse ; la nécessité de poursuivre les efforts dans le captage d’eau, l’agrivoltaïsme la récupération des eaux pluviales.

« Soyons pragmatiques », ont-ils répété en réponse aux idéologies galopantes souvent fondées sur une méconnaissance du métier.  « Pour remplir l’assiette des Français, nous avons besoin d’eau. »

Les éleveurs sont aujourd’hui obligés de transporter de l’eau à la parcelle car les sources s’épuisent : une contrainte et un cout supplémentaire. Les éleveurs laitiers voient quant à eux leur production baisser de 20 à 30 % en période de forte chaleur ; les céréaliers réclament le développement de l’irrigation (seulement 2000 ha actuellement), notamment pour le maïs semences.

 

Les JA ont fait part de leur inquiétude sur le loup. Sur ce point le ministre s‘est voulu ferme. « Je ne veux pas d’un plan loup qui soit la continuation du suivant. On a préservé l’espèce, maintenant il faut préserver les éleveurs en facilitant les tirs de défense car l’indemnisation ne fait pas tout. »

Marine Seckler, président des JA, a, quant à elle, dénoncé la sortie de l’ICHN de certains territoires et la suppression de cette subvention qui fragilise les exploitations.

Quant aux vignerons, c’est l’explosion des maladies, la flavescence dorée et l’esca, qui est au cœur des préoccupations.

Côté emploi, ils se sont émus de l’interdiction de laisser dormir les vendangeurs sous tente, car la Saône-et-Loire est considérée en zone nord donc froide. Une aberration que le ministre a promis de traiter... pour 2024.

Une météo qui les met à l’épreuve, une frange de la population minoritaire mais bruyante qui les stigmatise, une administration qui les empêche, la vie d’agriculteur est semée d’embûches ! Les professionnels ont donc besoin de sentir un soutien aussi bien du public que des élus pour mener à bien leurs combats.