Le projet de formation professionnelle France-Afrique a été lancé en 2017. Six jeunes Camerounais viennent d'arriver à Mâcon et vont poursuivre leurs études en France et dans le département. Rencontre.
Ils vont être répartis dans trois lycées avec l'ambition d'obtenir un Bac-pro : le lycée technique professionnel de l’ensemble scolaire privé Sacré-Cœur de Saint-Chély-d'Apcher en Lozère, le lycée du groupe scolaire privé de Paray-le-Monial et le lycée public des métiers de l’automobile Camille du Gast à Chalon-sûr-Saône. Ensuite, ils pourront poursuivre leurs études avec un BTS en alternance dans le domaine de la mécanique automobile, le but étant qu’ils puissent acquérir les compétences nécessaires pour ouvrir à terme leurs propres garages au Cameroun.
Les six jeunes Camerounais sont tous bacheliers de l’enseignement général technique au Cameroun. Quatre d’entre eux ont même suivi une formation payante de dix mois chez Volkswagen pour obtenir un certificat de compétences. Ils ont été sélectionnés parmi 800 candidats, avec l’aide d’un cabinet de mobilité académique agréé par la France.
Toutes les familles de ces jeunes ont dû faire des sacrifices financiers importants pour payer le dépôt de garantie de 13 000 € dans une banque française.
À l'origine de ce projet : la Camerounaise Anne-Marie Lindou, professeur de langue allemande depuis l'âge de 23 ans, formée à l'Ecole Normale Supérieure de Yaoundé au Cameroun et à l'université de Saarbrücken en Allemagne. Elle a intitulé cette initiative « Afrique Education et Co-développement » (AFEC) et a tâté le terrain avec son fils Thierry (22 ans à l’époque), qui a suivi une formation mécanique automobile au CFA de Mâcon pour pouvoir retourner au Cameroun à la fin de ses études. Il est maintenant étudiant en BTS en alternance chez Mercedes Benz à Mâcon.
Après avoir essuyé plusieurs refus de la France, la ténacité d’Anne-Marie Lindou a fini par payer. Ses démarches auprès de nombreux élus et haut-fonctionnaires à Paris ont permis aux six jeunes d'obtenir un visa étudiant d’un an avec possibilité de renouvellement s'ils poursuivent leurs études.
Anne-Marie Lindou considère que son projet est une réponse aux flux migratoires incontrôlés en provenance des pays africains : « L’un des objectifs est la mise en place d’une politique préventive dans la lutte contre l’immigration illégale des jeunes Africains par la promotion de cette formation professionnelle technique. Après leur formation, ils pourront rentrer en Afrique et contribuer ainsi au développement de leur pays. Je crois au développement endogène boosté par les compétences africaines elles-mêmes avec la création des richesses et de l’entrepreneuriat. »
Anne-Marie Lindou rêve aussi de construire au Cameroun le tout premier lycée technique polyvalent d'Afrique centrale à l'image des CFA en France.
Les jeunes doivent être informés des conséquences de l’immigration clandestine. Quand ils arrivent en France, c’est trop tard : ils sont déjà endettés, ils doivent faire face à des difficultés et des défis, et ils ne peuvent plus rentrer. La France doit aussi arrêter de nourrir ces jeunes et de leur donner des poissons tous les jours. Il faut leur apprendre à pêcher, qu’ils soient capables de se nourir eux-mêmes et de rentrer ensuite fièrement dans leur pays.
Le deuxième volet de ce projet « Afrique Education et Co-développement » est l’accompagnement de jeunes Français ou européens intéressés par le service civil ou des séjours de bénévolat en Cameroun pour une « éducation interculturelle et solidaire ». Un Allemand de 22 ans est d'ailleurs en ce moment en immersion « d’imprégnation socio-culturelle » pour quatre mois au Cameroun, au sein d’une famille d’accueil.
Darel, 18 ans, est le plus jeune des six Camerounais. Il étudiera la mécanique automobile pour les engins agricoles au lycée privé du Sacré Cœur à Paray-le-Monial. Il a pris la parole au nom du groupe : « Nous venons chercher les savoir-faire techniques de haute qualité, dont notre pays a urgemment besoin. Nous rêvons déjà de rentrer après notre formation, afin de créer nos entreprises, des garages notamment, selon les règles de l’art de la profession de mécanicien et, aussi, transférer notre savoir-faire à nos compatriotes. Nous remercions l’association Afrique Education et Co-développement, les autorités politiques camerounaises et françaises, et nos familles qui ont participer au financement de notre passion pour la mécanique automobile. »
Orelie, 20 ans, est la seule fille du groupe et suivra la formation au lycée de Chalon-sur-Saône. Elle avoue avoir eu des difficultés à convaincre sa mère de la laisser s'orienter vers un métier "plutôt masculin" : « Après avoir obtenu le bac, j’ai eu l’occasion d’entrer dans un véhicule et j’ai été stupéfaite par le confort offert, les commandes mécaniques et électriques. J’étais curieuse aussi d'en savoir plus sur les carburants et les additifs utilisés, car j’ai étudié la chimie au lycée. J’ai dit à ma mère que je voulais continuer mes études dans la mécanique avec une formation de qualité. Au début, elle a refusé, me disant que ce n’était pas pour moi. Chez nous, la femme est marginalisée, elle est faite pour le ménage, la cuisine, les enfants… Puis, j’ai entendu parler de ce projet et j’ai pris contact avec Anne-Marie Lindou et j’ai suivi la formation chez Volkswagen. Ca n’a pas été facile, mais je voulais vraiment relever ce défi en tant que femme. »
Lors de la conférence de presse, étaient également présents Laurent Cagne, proviseur du lycée de Chalon-sur-Saône qui va accueillir deux djeunes, des bénévoles locaux qui soutiennent le projet depuis le début, à l’image de Daniel Vernerey, directeur général du Sydesl, syndicat départemental d’énergie de Saône-et-Loire, de Jacques Vigouroux (responsable de l’église évangélique locale) ou de Jean Rivon (collectif Monnier).
Plus de détails sur l’histoire de ce projet à lire ici et ici.
Cristian Todea
La directrice AFEC, le Dr Anne-Marie Lindou, et sa secrétaire générale, Mireille Touko
Laurent Cagne, proviseur du lycée de Chalon-sur-Saône, et son directeur de l'enseignement technique